Archive for novembre 2014

Goodbye rhino

14 novembre 2014 Comments Off


Wezembeek-oppem, 9 degrés

L'automne est parti, il n'a laissé que les feuilles, les arbres sont dépouillés. Les gens sont pressés, on entend le balai des essuies glaces, les klaxons, les accélérations de ceux qui voudraient bien rentrer chez eux plus vite. Le monde tourne à l'envers, la journée c'est les heures au compte-goutte, c'est le pied qui tape, les doigts qui se faufilent sur les ordinateurs, les machines Nespresso, les Iphones, les stylos. La vraie vie est ailleurs, elle commence à six heures.

Je n'ai de cette journée en tête que le parfum de rose et de fleur d'oranger qui parfume mes cheveux jusque mon oreiller, les dentelles blanches des bords de mon voile, la liesse, mon petit cœur rempli de joie. Mon petit cœur qui palpite, avide, ivoire. C'est l'attente des noces, c'est ce temps de fiançailles dont on doit se souvenir longtemps. Longtemps les sourires, les mains serrées, longtemps les larmes de joies. Quand viendront les jours où nos dents tomberont et nos pieds seront lourds, nos cheveux blanchis, nos lèvres asséchées, nos poignets osseux et notre peau tâchée, on se souviendra peut être de cette année étrange où tout nous souriait. Ma robe est si belle que je l'épouse aussi, mon fiancé est si beau que je n'ai plus de mots pour en parler ainsi.

On penserait qu'il n'y a rien à écrire quand on est simplement heureux, mais ma fleur carnivore n'est vraiment pas d'accord. Elle me dit :s'il n'y a rien à écrire, c'est qu'il n'y a rien à vivre. Alors je la caresse comme on câline une chatte. Je lui donne des mots, elle ronronne. Alors j'écris pour me souvenir. De tes si beaux yeux qui me regardent, de ce bel espoir qui nous unit, j'écris pour me souvenir de la jeunesse, de mes mains, de ma chair ferme, de mes cheveux soyeux, de tout ce qui jaillit, de cette force que l'on croit longtemps inaltérable jusqu'à ce qu'elle se désagrège . De quoi nous rappellerons-nous de nos pas débutants? Du petit chat tigré que tu as ramené dans son carton tout sale et qui maintenant dort sur le canapé? De nos baisers hâtifs sous la véranda du salon de notre ancienne maison. De nos étreintes fébriles, de cette comme évidence. De ce soir à Florence. J'écris pour me sauver, j'écris pour crier, j'écris pour prendre soin de cette fleur avide à l'intérieur qui me ronge et me soulage en même temps, comme une plaie qui démange. Je gratte en vain, c'est bon. C'est bon, mais ce n'est jamais assez.

Je rentre dans mon habitacle sur la rue de Wavre. Il pleut et il fait nuit. On dit à la radio que les rhinocéros vont bientôt disparaître, et cette annonce me rend soudainement accablée. C'est bien la pire nouvelle de toute la journée, de toute la semaine, de toute l'année.


Les vivants et les morts

10 novembre 2014 Comments Off

Brussels, Schuman,

La ville patinée de lumières rouges et vertes.
L'avenue des Arts sans aucun artiste, hormis ce clown triste qui jongle devant un amas d'Audi noires. La rue de la loi, sans aucune justice, hormis le liseré rouge du véhicule policie qui contrôle toute la nuit des taux d’alcoolémie à la sortie du Corner.
Bruxelles minuscule, bruxelles sans capitale, rasée, bitumée, vitrée, Bruxelles sans aucun charme.

Voilà que nous nous baladons entre la Skoda et un bar, moi et d'autres allumés. Être sobre rend cette foule dansante dans la fumée carrément triste. C'est le moment où je me dis que je n'aurai surement pas du sortir; Plus le temps passe moins je m'amuse, je trouve le monde vide et froid, et les gens désarmés, leur regard éteint, leur haleine fétide, leur visage déformé. Sur le podium, un creux incommensurable, et seulement la laideur, mais nous passerons tout de même une méga soirée. Méga nuit noire dans mon crâne. J'enchaîne les coca sans whisky et les pommes sans rhum, quelque chose ne s'apaise pas, j'ai une soif qui n'a pas de nom, moi non plus je n'ai aucun nom ce soir. Ce soir en mode où-suis-je, en mode qui es-tu, déjà.

Cette nuit j'ai rêvé de Mima, tout avait l'air si vrai. Ses vêtements de coton bleu marine aux fins pois blanc, le voile de lin carmin, son odeur d'herbe coupée, de lavande fraiche, ses rides, ses tatouages venus d'un autre âge, son rire un peu hautain comme au dessus du monde, ses mains qui tissent, qui trient, qui tassent, ce corps qui travaille, ces pieds nus aux chaines de chevilles, ces bracelets d'argent martelé qui tintent, ces yeux noisette à la douceur transmise de mère en fils. J'ai rêvé que tu m'embrassais longtemps, longtemps je restai dans tes bras à l'abri du monde. Longtemps nous nous parlions comme nous n'avons jamais parlé, et comme jamais nous parlerons. Autour d'une chorba peut-être, ou d'un thé. Maman dit toujours que les morts continuent de vivre en rêve, et qu'elle viendra aussi un jour, qu'on se donnera rendez-vous comme ça, qu'elle prend souvent un café avec son père, comme ça, que les mondes sont perméables, que ce monde dans ta tête est après tout aussi tellement réel. Alors j'y crois, et cette nuit j'ai passé un chouette moment avec Mima.

C'était bien mieux que la nuit précédente avec ces vivants qui jouaient aux morts entre deux Black Eyed Peas. C'était bien mieux, c'était un si beau soir-là. Cette nuit en mode je suis là
cette nuit en mode toi, toujours, toi déjà.