Voilà l'été est parti, c'était un été comme on en fait pas souvent, inexistant. Est-ce ça vivre dans les pays du nord? Je ne me souviens plus des soirées au dehors à refaire le monde, je ne me souviens plus des tapis qu'on déploie sur le sol pour se coucher sur le brûlant coton, je ne me souviens plus des robes de soie, des lumières qui scintillent. Mais je me souviens encore de l'odeur de la mer, de ta peau salée, du bonheur intense de plonger au large, tête la première dans ce bleu marine sans hésiter non, je n'ai pas peur de ce fond noir et envoutant, je n'ai pas peur de l'inconnu la vie tu vois c'est pas seulement payer ses factures et puis mourir, non. La vie tu vois, c'est foncer sur les routes sur la motocyclette, c'est apprendre à conduire un bateau, c'est marcher le long des rochers, c'est se piquer les pieds, c'est nager jusqu'à en avoir mal aux bras. S'entendre respirer entre les poissons. Entendre ce cœur qui s'emballe dans le noir. La tête dans les étoiles. Le cœur, oui le cœur à flots de déraison.
Je ne me suis jamais souvenue de l'été en Belgique. Je me souviens du printemps, de ces bourgeons dans le jardin, des averses qui font verdir les prés, je me souviens de l'automne tantôt triste tantôt chatoyant de couleurs, des grosses araignées qui envahissent la maison, des cèpes que l'on cueille dans les bois du Brabant. Mais l'été, non, je ne me souviens pas. Il a déjà fait chaud, oui, mais c'est une sorte d'été que je ne connais pas, on reste sur la terrasse la nuit en petite laine, on bat le bitume de nos pieds calleux, on prend le petit déjeuner quelques semaines en terrasse, avant que les matins ne deviennent trop frisquets.
L'été n'existe pas ici. On devrait nous le dire. C'est l'info la plus importante, finalement oui il pleut parfois, peut être plus ou moins qu'ailleurs, mais il n'y a pas d'été tu vois. Quelques nuits où on étouffe sous les poutres de bois, quelques jours où il fait plus de trente degrés et là tout Bruxelles est à la mer du nord. Ils prennent le train pour Ostende, Koksijde, la Panne.
Je ne me suis jamais souvenue de l'été en Belgique. Je me souviens du printemps, de ces bourgeons dans le jardin, des averses qui font verdir les prés, je me souviens de l'automne tantôt triste tantôt chatoyant de couleurs, des grosses araignées qui envahissent la maison, des cèpes que l'on cueille dans les bois du Brabant. Mais l'été, non, je ne me souviens pas. Il a déjà fait chaud, oui, mais c'est une sorte d'été que je ne connais pas, on reste sur la terrasse la nuit en petite laine, on bat le bitume de nos pieds calleux, on prend le petit déjeuner quelques semaines en terrasse, avant que les matins ne deviennent trop frisquets.
L'été n'existe pas ici. On devrait nous le dire. C'est l'info la plus importante, finalement oui il pleut parfois, peut être plus ou moins qu'ailleurs, mais il n'y a pas d'été tu vois. Quelques nuits où on étouffe sous les poutres de bois, quelques jours où il fait plus de trente degrés et là tout Bruxelles est à la mer du nord. Ils prennent le train pour Ostende, Koksijde, la Panne.
Mon cœur est à l'été sauvage et agressif de mon pays.
Il me dit: ce n'est pas ton pays, tu n'en parles pas la langue.
Et si je te disais que cette langue est une autre, que cette terre est une autre terre, que c'est une langue de son et de saveurs, une langue primitive, la toute première des langues. Leur langue c'est leur peau, leurs lèvres qui m'embrassent. Leurs étreintes, mes premiers souvenirs. Leur mains qui me caressent, calleuses, noircies par le four à pain, le soleil, les champs, mon premier souvenir. Leur odeur de cumin et d'ail, de thé fort, puissante, animale, mon premier souvenir. Leur amour inconditionnel, leur musique, leur chants. Leurs cris, mon premier souvenir. Comprendras-tu. C'est mon pays, indéfectible. Aucun été n'est comparable, pas même l'été civilisé de la Toscane, pas même les beaux villages de la Provence, non, c'est mon été indéfectible. Bruyant à cause de toutes les musiques de mariage et les youyou qui empêchent de dormir, l'appel à la prière qui perce dans la nuit, sale à cause des égouts à ciel ouvert, des remontées dans la chaleur, l'été des chiens errants, l'été de la misère.
Il me dit: ce n'est pas ton pays, tu n'en parles pas la langue.
Et si je te disais que cette langue est une autre, que cette terre est une autre terre, que c'est une langue de son et de saveurs, une langue primitive, la toute première des langues. Leur langue c'est leur peau, leurs lèvres qui m'embrassent. Leurs étreintes, mes premiers souvenirs. Leur mains qui me caressent, calleuses, noircies par le four à pain, le soleil, les champs, mon premier souvenir. Leur odeur de cumin et d'ail, de thé fort, puissante, animale, mon premier souvenir. Leur amour inconditionnel, leur musique, leur chants. Leurs cris, mon premier souvenir. Comprendras-tu. C'est mon pays, indéfectible. Aucun été n'est comparable, pas même l'été civilisé de la Toscane, pas même les beaux villages de la Provence, non, c'est mon été indéfectible. Bruyant à cause de toutes les musiques de mariage et les youyou qui empêchent de dormir, l'appel à la prière qui perce dans la nuit, sale à cause des égouts à ciel ouvert, des remontées dans la chaleur, l'été des chiens errants, l'été de la misère.
Où la terre des promesses dont on parlait, dis moi? Plus je vieillis plus le refuge se trouve dans mes souvenirs.