Nous embarquons pour Rotterdam,
j'ai le cœur léger. Les buildings tranchent tous les nuages, la ville
est grandiose, inconnue, pas de petits canaux et de maisons penchées,
mais de larges quais, des grattes-ciels immenses, la Meuse ouvrant la
ville en deux comme un grand fruit de béton, de verre et d'eau. Au loin
c'est Kop van zuid dans le froid et puis le port aux milles grues. Les
portes conteneurs se déchargent de marchandises venues de Singapour et
de Chine, les quais sont remplis à perte de vue. De l'autre coté les
pétroliers alimentent mollement les raffineries.
Le métro est comme un hovercraft au dessus de la ville. Nous quittons Bruxelles pour un weekend que j'aimerais hors du temps. Juste un moment de repos pour enfin découvrir ce printemps sans être terrassée par la fièvre, la fatigue, les travaux à faire. Nous sommes comme les oiseaux ramenant des branches pour construire notre nid. Tu ramènes des brindilles, tu creuses, moi je suis incapable de construire, je tâtonne dans les branchages, les jardins. Je cherche où m'envoler, je cherche du spirituel, de l’irréel, du rêve. L'enfance ne s'en va pas, au contraire. Plus je vieillis plus j'ai l'impression de ne pas savoir parfois comment faire. Comment ne pas avoir peur, comment travailler dur, comment fonder, comment fixer les choses, comment rentrer dans ce perpétuel: matin, midi et soir, heures de coucher, lever, tétées. Parfois rien ne me parle. J'ai besoin d'inconstance. Quand nous ne rentrons finalement pas, quand on se retrouve à boire des bières devant les terrasses de Breda jusque la nuit tombée. J'ai encore besoin d'instabilité.