Archive for octobre 2016

Le voyage

25 octobre 2016 Comments Off

Wezembeek-oppem, quatre degrés



Voilà un beau navire de nos deux peaux, de nos deux coeurs, de nos âmes. Je sens ton corps se mouvoir dans la caravelle douce de ma matrice.
Tu es en route pour de beaux horizons, tu sais.
Chaque jour je regarde étonnée ce ventre se gonfler comme une grand voile
Sur l'océan de tous les jours qui passent, je t'accompagne et t'accompagnerai
Toujours désormais je serai pour toi le Nord de tes premières heures, la boussole de tes premiers jours, le bon vent de tes premières années.

Tambour battant

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Woluwe Saint Pierre, dix degrés


Dix degrés comme dix semaines qui ont déjà passé. Des semaines comme aucune autres. 

J'ai d'abord vécu dans la peur panique que tout recommence alors on a valsé entre les services d'urgence, les internes qui fouillent mon ventre comme une chasse au trésor, les échographies de cette petite tâche noire informe, de ce minuscule point blanc au milieu qui concentre tout d'un coup tous nos efforts, toute notre attention, toutes nos appréhension. Chaque jour me rapproche d'une forme de délivrance, mais je n'arrive pas encore à cerner laquelle. Je compte simplement les heures, les jours, les semaines, avant le cap du premier du trimestre. 

Dix semaines et mon ventre s’arrondit déjà. J'ai entendu un nouveau cœur pour la première fois. Allongée à l’hôpital Brugmann de Jette, tremblante pendant que l'échographe polonaise tripote son écran en pestant contre le manque de moyen de l'établissement. Je lui dit que j'ai un peu peur d'une mauvaise nouvelle, beaucoup même, je parle sans cesse comme pour exorcisé mon angoisse, mes doigts crispés sur la table. Vous comprenez, j'ai déjà vécu ça une fois et..  les yeux rivés sur son écran la polonaise me dit chut

Chut. Ne dis plus rien.
Ecoute la vie. 
Boum boum boum boum boum boum boum
Le tambour de cette vie qui commence. 

Cette vie qui deviendra une personne. Qui deviendra ce quelque chose de fou, de magique, d'unique. Ce cœur qui bat à l'intérieur de moi, déjà. Les larmes roulent sur mes joues et tu vois je suis incapable de dire autre chose que wouaah c'est génial, c'est génial. C'est génial. A la loterie de l'existence, on nous a épargné souffrance de l'attente interminable que vivent tant de gens. 

Cette fois tu es là. Tu me rends malade nuit et jours, je n'ai jamais eu aussi peu d'énergie de toute ma vie, mais tu es ici. Je te sens sous mon ventre, sous mes doigts. Il pleut, je sors de l'unité E et je danse dans ma tête.  Je t'abrite. Tu n'as rien à craindre, je serai toujours avec toi. 


Le pouvoir du soleil

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Capo Perla, vingt-huit degrés


Nous avons fait les valises pour reprendre un nouvel air en Italie. Nous voilà sous le soleil éclatant de l'île d'Elbe, nous voilà dans l'infinie liberté de l'eau, des vagues contre la peau. Nous voilà sur cette terrasse éternelle à regarder l'horizon de toutes les couleurs. Septembre était sauvage et libre, un air de retrouvailles, on est partis quelques années en arrière, amoureux et fous de jeunesse, spritz aperol à la main, à nous aimer dans toutes les forêts.  En pèlerinage avec les arbres. En solitaire à deux, front contre tronc. 

Les plus belles vacances depuis des années, je disais. Je ne sais pas pourquoi je dis ça. Mais c'est comme si de la tristesse des jours passés était ressortie cette envie de rire fort et d'embrasser chaque instant. Tu vois, le mois de septembre était beau et fort comme un jeune homme de dix-huit ans. 

Nous sommes rentrés d'une traite, milles deux cent kilomètres dans le silence habituel de la fin des vacances. Je ne parle pas parce que je sens quelque chose. Quelque chose de ce silence profond qui m'interpelle. Je n'en parle pas parce qu'on ne fait que peu de cas des pressentiments. On roule entre les montagnes de la Suisse, blocs de roches majestueuses. Ici aussi c'est le silence. 

Je veux te dire quelque chose. 
Depuis quelques matins quelque chose a changé. Le ciel est le même mais un silence s'est installé en moi. Alors pendant que tu roules, je l'écoute avec fébrilité. Le vente est lourd et mes mains tremblent. Ce quelque chose en moi. Je ne sais pas si je veux savoir. Est-ce un mirage de mon esprit engourdi par le soleil, est-ce que c'est ça ? Les paysages défilent à la fenêtre, prairies, pâturages, villages de pierre, chemins de traverse et puis cette autoroute, grande bande gris aux phares comme des étoiles filantes. Je ne sais plus si je veux arriver à destination, je préfère faire demi tour dans le sud là où on avait à nouveau vingt ans. La route est encore longue mais est-ce que la vérité fera mal ? Est-ce que ce bonheur là fera du bien.. On arrive à treize heures, j'ai dit qu'il me fallait absolument acheter une bouteille de shampoing. Tu es en haut à émerger de la conduite, encore sous le roulis glissant du véhicule. 

Je m'allonge contre toi, ton corps est chaud et doux. 
Il n'y a qu'une seule phrase à te dire mais je dois m'y prendre à quelques reprises. Parce que tu sais quoi
C'est de nouveau positif.