Capo Perla, vingt-huit degrés
Nous avons fait les valises pour reprendre un nouvel air en Italie. Nous voilà sous le soleil éclatant de l'île d'Elbe, nous voilà dans l'infinie liberté de l'eau, des vagues contre la peau. Nous voilà sur cette terrasse éternelle à regarder l'horizon de toutes les couleurs. Septembre était sauvage et libre, un air de retrouvailles, on est partis quelques années en arrière, amoureux et fous de jeunesse, spritz aperol à la main, à nous aimer dans toutes les forêts. En pèlerinage avec les arbres. En solitaire à deux, front contre tronc.
Les plus belles vacances depuis des années, je disais. Je ne sais pas pourquoi je dis ça. Mais c'est comme si de la tristesse des jours passés était ressortie cette envie de rire fort et d'embrasser chaque instant. Tu vois, le mois de septembre était beau et fort comme un jeune homme de dix-huit ans.
Nous sommes rentrés d'une traite, milles deux cent kilomètres dans le silence habituel de la fin des vacances. Je ne parle pas parce que je sens quelque chose. Quelque chose de ce silence profond qui m'interpelle. Je n'en parle pas parce qu'on ne fait que peu de cas des pressentiments. On roule entre les montagnes de la Suisse, blocs de roches majestueuses. Ici aussi c'est le silence.
Je veux te dire quelque chose.
Depuis quelques matins quelque chose a changé. Le ciel est le même mais un silence s'est installé en moi. Alors pendant que tu roules, je l'écoute avec fébrilité. Le vente est lourd et mes mains tremblent. Ce quelque chose en moi. Je ne sais pas si je veux savoir. Est-ce un mirage de mon esprit engourdi par le soleil, est-ce que c'est ça ? Les paysages défilent à la fenêtre, prairies, pâturages, villages de pierre, chemins de traverse et puis cette autoroute, grande bande gris aux phares comme des étoiles filantes. Je ne sais plus si je veux arriver à destination, je préfère faire demi tour dans le sud là où on avait à nouveau vingt ans. La route est encore longue mais est-ce que la vérité fera mal ? Est-ce que ce bonheur là fera du bien.. On arrive à treize heures, j'ai dit qu'il me fallait absolument acheter une bouteille de shampoing. Tu es en haut à émerger de la conduite, encore sous le roulis glissant du véhicule.
Je m'allonge contre toi, ton corps est chaud et doux.
Il n'y a qu'une seule phrase à te dire mais je dois m'y prendre à quelques reprises. Parce que tu sais quoi?
C'est de nouveau positif.