Dix degrés comme dix semaines qui ont déjà passé. Des semaines comme aucune autres.
J'ai d'abord vécu dans la peur panique que tout recommence alors on a valsé entre les services d'urgence, les internes qui fouillent mon ventre comme une chasse au trésor, les échographies de cette petite tâche noire informe, de ce minuscule point blanc au milieu qui concentre tout d'un coup tous nos efforts, toute notre attention, toutes nos appréhension. Chaque jour me rapproche d'une forme de délivrance, mais je n'arrive pas encore à cerner laquelle. Je compte simplement les heures, les jours, les semaines, avant le cap du premier du trimestre.
Dix semaines et mon ventre s’arrondit déjà. J'ai entendu un nouveau cœur pour la première fois. Allongée à l’hôpital Brugmann de Jette, tremblante pendant que l'échographe polonaise tripote son écran en pestant contre le manque de moyen de l'établissement. Je lui dit que j'ai un peu peur d'une mauvaise nouvelle, beaucoup même, je parle sans cesse comme pour exorcisé mon angoisse, mes doigts crispés sur la table. Vous comprenez, j'ai déjà vécu ça une fois et.. les yeux rivés sur son écran la polonaise me dit chut.
Chut. Ne dis plus rien.
Ecoute la vie.
Boum boum boum boum boum boum boum
Le tambour de cette vie qui commence.
Cette vie qui deviendra une personne. Qui deviendra ce quelque chose de fou, de magique, d'unique. Ce cœur qui bat à l'intérieur de moi, déjà. Les larmes roulent sur mes joues et tu vois je suis incapable de dire autre chose que wouaah c'est génial, c'est génial. C'est génial. A la loterie de l'existence, on nous a épargné souffrance de l'attente interminable que vivent tant de gens.
Cette fois tu es là. Tu me rends malade nuit et jours, je n'ai jamais eu aussi peu d'énergie de toute ma vie, mais tu es ici. Je te sens sous mon ventre, sous mes doigts. Il pleut, je sors de l'unité E et je danse dans ma tête. Je t'abrite. Tu n'as rien à craindre, je serai toujours avec toi.