Vie Secrète I

8 décembre 2007 Comments Off

St Vincent de Paul. Le 8 decembre.
Huis clos magique. Les illuminations dans un coin.
Elisabeth Enselvini est d'une beauté inadequate avec le lieu
Silencieux et morbide.

Quinze heures. Mon besoin de toute puissance incontestable est souligné.
Je note, méthodiquement ce que j'ai mangé, puis me laisse embrouiller.
C'est la fête, Noel nous anéantira tous.

Enselvini m'instruit à écrire par thérapie. Je lui dis ça ne marche pas vous voyez ça bloque entre les côtes et sur les côtés. Je m'insupporte de partout, au stylo c'est pareil. Des phrases se suivent sans queue ni tête. J'ai le corps plein, l'appel du sucre est monstrueux et les peines restent dans la nourriture, incarnations du malin.
Est-ce que Saint Nizier est belle car la clinique est un chateau de sel jaune, des oiseaux vont et viennent. Enselvini suppose "peut-être que vous demandez trop alors, vous n'avez jamais été heureuse." C'est faux. Je me souviens l'avoir été, c'est même une incisive limpidité.

Ca n'est pas arrivé d'un coup, cette cessation. J'ai pris lentement racine dans une terre incarnat où être en représentation était plus important qu'avouer être moi-même. Ensuite je ne sais pas pourquoi, le plaisir fut mis au ban. Les habitudes se prennent vite, et perdre le pli n'est pas inné. La privation dans l'abondance, la science de la dérobade, l'art du mensonge, l'amertume de l'absence, le laisser aller et l'abstinence. Dans cet amas doit bien transparaître au détour d'un mot la nature des choses.
Au fond le monde n'est que douanes vitales, barbelés, culpabilité.

"Vous avez ce besoin de vous sentir coupable." Il faut bien matérialiser le problème, d'une façon ou d'une autre. Enselvini (à moins que ce ne soit Inselvini et que ce E. rajouté ne soit d'un subterfuge faisant écho à l'initiale d'une sombre initiatrice) parle avec une désinvolture qui découd l'angoisse. Coupable je ne sais pas, c'est tellement judeo chretien. Et coupable de quoi. De ne plus être heureuse, de vivre avec ce sentiment d'avoir tout perdu à la loterie universelle? D'autres n'ont jamais rien gagné après tout. Après tout j'ai été peintre de tableaux remarquables. Amasser la mémoire comme d'autre les richesses. Faire du souvenir un or noir, carburant des sensibilités naives mais pas tant légères. La jeunesse sait être grave et angoissée. Elizabeth, même prénom que ma tante, sache que certains jours me paraissent longs et décuplés. Des fois je mange normalement mais si je n'ai pas mal au ventre j'aurais mal autre part. C'est souvent l'autre part, à cheval entre l'irraison et les images de ce qu'on veut oublier, qui vont amener mes doigts à toucher mon palais. Dieu merci l'hémétophobie vient sauver tout ça. Je reste le dos au carrelage, pleine comme une outre et plus coupable qu'un patricide. Ce creux de gras ingéré, pas encore digéré. Il va falloir qu'il passe, que je me survive encore longtemps car soyons vrai Romain tu as raison, je n'ai aucune envie de guérir. Plus la maladie s'installe plus elle rassure, englobe, anesthésie doucement.

L'Hotel Dieu dans la nuit, son petit jardin blanc.
C'est dimanche, les boutiques étaient ouvertes la ville avait les cuisses moites et tremblantes. Lumière avant rideau. Je serre dans mes bras quelque chose oublié, sur le quais. Je n'avais pas approché la délicatesse depuis, happée par les mise en demeures et les possessions mâles et maladroites. L'Opale triture un bout de moi dans cette gare bondée. Je lui laisse ma bague lybienne, épaisse. Auparavant elle ne quittait mon index droit, égo lourd argenté. Puis, elle ne traine plus sur aucune table de nuit, il n'y a plus de nuité, il n'y a que le jour qui transperse tout sans repos et sans loi. Il vaut mieux tout léguer. Je lui donne ma bague et j'enlève un poids. Elle a laissé une écharpe venue d'Inde qui ressemble à s'y méprendre à ce tissu berbère fait main que les Yeux Jaunes avait au cou il y a quelques années. Mais celui là est doux, féminin odorant. Il vient couvrir cette blessure, ce démenti à moi-même qui presse dans le soir: je ne suis prête à rien, sauvegarde maintenant.
Toutes ces lumières précieuses s'infléchissent et dansent
Mais n'apaisent que les yeux.
Le plaisir de vivre s'attise mais il n'y a pas de feu.

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