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Avant toi, avant.

30 juillet 2014 Comments Off


La colline est noire, c'est la fin des vacances, nous montons le chemin de croix.
Je remonte l'intégralité de mon existence. Le passé est brutal. Je me rends compte que je vieillis car j'ai tout à coup des souvenirs d'enfance qui me reviennent la nuit, ils me paraissent lointains noyés dans l'eau, gonflés, les sensations démesurées.

Ma naissance, le carrelage noir et blanc du petit T3 où j'ai fait mes premiers pas, la bassine rouge du bain, le lapin rose en peluche, le gravier rouge qui râpe mes genoux en bas de l'immeuble, le banc en pierre du parc massif qui a tapé sur le bord de ma lèvre, le bitume qui sent la pluie d'été, les multiples plaies, le petit train de bois de la cours maternelle, le goût des cigarette en chocolat, les haricots verts, la sirène qui sonne tous les premiers mercredi du mois, les courses au Carrefour avec papa, la peugeot 309 bleu clair qui entre dans l'allée, le bruit de l'ascenseur la nuit et l'ombre des volets sur les murs de ma chambre, la chambre jaune, le petit mobilier de princesse, le chat de J. noir et blanc et son piano, les cours de natation, le bain à Khalsa avec Sabrine, la Tunisie, l'odeur de la Tunisie, et l'Italie, la brioche de Pâques en forme de colombe, la morsure du chien, le lit froid qui s'enfonce, mamie Pépina et son dos bosselé, l'avenue des Grattes-Ciel de Villeurbanne, la douleur qui me prends, massive, dans les petits toilettes, le sang sur mes doigts, le bateau Habib et son restaurant sur l'eau, ma robe rouge, le baiser sur la plage de la Goulette, les rougets grillés, Monsef qui m'amène au Sers manger des glaces, son pick-up Suzuki, les petits bras minces et bronzés des enfants, Wissem qui nous embête à l'heure de la sieste, les larmes quand on s'en va, Daktari la peluche, Mima, le dragon en mosaïque de l'entrée du lycée, les yeux bleus, le soir qui tombe sur la passerelle Ampère, le café Opera, mon premier demi-pêche, le souvenir du mois de novembre, le jardin de la maison de Bron, les soirs dans les caves du lycée, l'oral du baccalauréat, les petits mots entre les escaliers, les cafés grenoblois, le train, le cours d'anglais hypokhâgne, Cioran, et puis Bobin, la surpuissance, les manifestations, mes pleurs dans l'église Saint-Bonaventure, le café La Gargouille et le pub irlandais, les nuits aux chouchenn, l'hydromel, le nouvel an malade au fond du lit, la mort de Mima, Khalsa en février, le vent sur l'oued, le pont Morand gelé, la fashion week de Londres, le premier bel amour, Barcelonetta en automne, le marché de la croix rousse, les petits pains au chocolat blanc, le soleil dans les yeux, le déménagement, le train régional, le café de 7h du matin à l'arrivée de la gare, Givors et ses étoiles, les grévistes, les rencontres du TGV Marseille-Brest, Rilke, Lettres à un jeune poète, une bière bue avec un inconnu à la gare Lyon Part-Dieu, la nuit dans l'appartement cave avant l'avion pour Leeds, ma robe bleu roi, Lyon sous les feuilles mortes, la valise. Le départ à Bruxelles, le destin hasardeux.

Le train grande vitesse qui ralenti
Arrêt, arrivée
Le soir qui tombe sur les rails,
Mes jambes, qui tremblent un peu
Dans le froid silencieux de l'hiver,
j'arrive. Mystérieux.

Depuis que tu as ouvert la porte sur mon ombre bancale,
quelles sont ces années ? 
Il n'y a de résumé que le bonheur que tu m'apportes,
que la Grâce de t'avoir auprès de moi,
que la joie, immense, que tu me donnes.