Archive for 2012

So close

12 novembre 2012 Comments Off

Il me semble qu'ici c'est la fin de quelque chose. Peut être que c'est la jeunesse, je ne sais pas. C'est la fin de quelque chose qui n'a pas toujours été quelque chose de bien. Il me semble que c'est le moment où clore et commencer est bien une évidence. Je suis sur la ligne d'un autre départ. D'un autre chemin. Il y a de partout dans ma vie comme un parfum, celui de la Dolce Vita, celui de la famille, du partage, de la sérénité. De ces ressources en moi que je ne connaissais pas. Et puis celui de ces apprentissages que je n'ai jamais appris, de ces leçons dont j'ai toujours été le cancre, l'enfant unique, le petit bout stérile, le sexuel faillible.

Je veux que tu m'enlaces encore. Que tu me le fasse sentir. Ce monde où chacun de nos pas ouvre un autre chemin. Celui où l'on peut dire: oui prenons-le ensemble et prend ma main, peu importe où il va. L'existence est ce sans-limite. L'existence est ce paysage vaste au loin, et c'est dans cet horizon que l'on s'aperçoit que quelque part si près s'unissent nos deux destins. 

Un certain regard

18 août 2012 Comments Off

Knokke-Heist, quatre-vingt onze degrés Fahrenheit. Tout est brûlant et surpeuplé. La digue est grassement peinte par les boules de glaces tombées, les miettes de gaufres qu'on mange chaudes en plein soleil, les colorants, les fraises pressées. Mais ça reste le Zoute, alors les galeries affichent leurs vitrines de sculptures à vingt-mille euros, les bars de plage sont un canevas feutré d'electro lounge empruntée à la rue Saint-Honoré, les lévriers afghans sont de sortie.

Peu importe, ce qui me tient à bon port, c'est ma main dans la tienne. Le long des routes je te scrute en coin, je te recherche. Ta bouche est un fruit mur, l'été est ce certain regard, effleuré, sur moi.

Lettre aux amis

29 juillet 2012 Comments Off

Il n'y a qu'un seul moyen de savoir si on se sent enfin chez soi. C'est d'en partir, et de chercher ce sentiment subtil de vouloir rentrer et non pas revenir, s'insérer comme un élément naturel dans ce paysage, ces rues, ces allées. Les romantiques allemands ont très bien défini le mal du pays, peut être parce que l'empire germanique est avant tout un agrégat de routes commerciales, de ports autonomes, de places fortes familiales. Le mal du pays c'était la mélancolie sourde au souvenir de l'odeur d'un petit pain, d'un borchtch à la cerise, d'un cheval, de la tresse lourde battant les cuisses laiteuses d'une blonde inconnue. C'était le vent contre la plage à Kiel. C'était le mal d'une ville. Le mal du pays avant que le leur ne devienne cette ruine immense, et que dans cette immensité ne se trouve qu'un vide abyssal de douleur.

J'ai le mal de plusieurs pays. Et avant tout étrangement il y a Sylt. Cette petite île au large du Danemark. Pourtant ce n'était pas un jour spécialement heureux, mais je me souviens de cette ligne de train tout au milieu de l'eau. Nous traversions la mer, deux cent kilomètres heure de bonheur et de liberté. L'été était lourd et chaud comme à Berlin où les tramways valsaient au dessus de Kreutzberg et qu'on buvait des bières entre les parcs à vélos. Le nord de l'Europe s'épanouit curieusement au soleil, peut être parce qu'il en a trop peu. Les briques rouges vermillonnent, les parcs se parent d'une lumière perçant le feuillage vert brut des tilleuls, les belges s'oublient en terrasse près du camion jaune du marchand de glaces. Quand on vit dans le sud, c'est l'astre brûlant dont on se protège. On s'enferme sous les persiennes et les stores pour ne redécouvrir la beauté de l'été alors qu'au crépuscule. C'est avant tout dans le couchant sur les nuits claires, chaudes et bruyantes pendant longtemps, c'est avant tout pour le fait qu'il soit parti qu'on aime le soleil.

Ce ne fut pas toujours des années lumineuses. L'obscurité et l'hiver ont duré longtemps. Longtemps je marchais sans voir mon chemin _ est-ce qu'aujourd'hui je le vois mieux, je ne suis pas certaine_ mais bien des choses sont moins sinueuses. Peut-être parce que je ne fais pas ce chemin de vie seule, ou bien que je partage ma solitude avec plusieurs d'entre vous. Parce qu'à mes cotés je sais que tu me suis de près, que cette ligne de vie là nous la menons ensemble dans la même intercompréhension de sa beauté, de sa difficulté. Parce qu'au loin ceux que j'aime vieillissent, mais qu'ils sont toujours là. Parce que tout près je sens ton souffle dans le soir, que je ne veux rien savoir de ce qui nous attends. Parce que cette fois j'ai assez vécu pour me connaître, et parce que j'ai toujours su que j'étais capable d'aimer longtemps.

Alors de Tervueren à Lyon, je vogue, j'ai le mal de plusieurs pays mais vous êtes avec moi. Je garde des stigmates, uniquement celles que je me suis données moi-même, car au final c'est bien par cette douleur de se chercher qu'on fini par se comprendre. Homère disait les chemins du jour côtoient ceux de la nuit, et je reste persuadée que c'est dans l'obscurité qu'au fond l'on se construit. Lorsque le ciel est ce tapis épais et sans étoiles, lorsque aucun plaisir particulier ne nous aveugle, alors ne reste que la reconnaissance sincère d'être toujours en vie. Et toujours ce bonheur de se découvrir, d'aimer, d'aimer les autres autant qu'on m'a aimé. Aucun homme n'est une île, ou bien la mer tout autour n'est que la continuité des bras qui nous entourent et des mains qui nous lient, des lèvres qui nous retiennent et d'un corps qui nous unis.



Adieu et à demain

17 juillet 2012 Comments Off



Ma main se renouvelle au fin fond de la sienne.

J'ai attendu longtemps que le bonheur revienne.
Il attendait sur le seuil de ma chambre, il me regardait trier ma vie, c'est lent et douloureux, ça m'ennuie, elle me plante un couteau dans le dos, je ne le sais pas encore. Moi j'attends et j'espère, je me ridiculise, je découvre tout trop tard. J'ai attendu longtemps que le bonheur revienne. Et puis l'on oublie vite ceux qui nous ont trahi, et on ne se souvient que de la trahison. 

Nous gravitons dans des soirs froids et gris. L'été dans le pays du nord, c'est un automne incertain où l'on attend de faire ses valises pour la douceur du Portugal ou bien de l'Italie. Il pleut sans discontinuer mais l'on prend tout de même l'apéritif au pool house. Le long de la piscine à débordement, me voilà autrement. Un châle sur les épaules, un plan de table et un border collie léchant mes bouts de pieds. La bonne société belge devisant en soirée, habitant Uccle, Boitsfort, Woluwé. Cette maison est devenue chez moi, j'ai enfin une voiture, je m'élance sur le ring, la petite ceinture. Je ne veux plus qu'on m'emmène, je pars. J'ai envie de lui faire découvrir qui je suis, cette façon qu'il a de me chercher comme ça, cette façon de vouloir me connaître. Cette fierté qu'il semble avoir à m'aimer. Ce que je lis dans ces yeux, ce bonheur d'être et de partager.  

Des sons me reviennent. C'est une autre vie, celle de la Tunisie. C'est Mounira qui me dit les lèvres étirées dans un sourire : saha saha. Après le bain, l'eau purificatrice a lavé l'odeur des moutons, des champs, de l'étable, des doigts sales ramenant cailloux, petits fossiles, lavande, mues de serpents, fleurs de l'oued. C'est l'eau qui lave mon autre nationalité. La République française, la laïcité, Charles de Gaulle, les colons qui photographient les petites arabes seins nus sous le protectorat français. C'est l'eau qui lave mon demi-sang, cet en-moi hagard. Je suis aussi nue que ces petites filles sous la menace, bronzée et sans langage. C'est dans la pénombre du salon oriental où dort mon grand-père qu'on se lave. Mon grand-père me laisse sa chambre blanche et son lit à presque baldaquin dès que je viens, parce que je viens de loin. Je pose mes affaires sur la table de chevet antique, là où trône la Mecque, les chapelets, les ancêtres, les tapisseries de cerfs, les scènes de chasse à travers le désert tous chevaux hurlants. Après le bain on se sèche devant les télénovelas et les feuilletons égyptiens. Tu es le premier amour que j'aimerai emmener là bas.

Personne ne s'imagine continuer sa vie à manger des asperges et des rotis mintsauce quand on passe ses étés entre des paysans berbères et des femmes voilées. Pourtant je me retrouve partagée sous ce jardin de plantes amères entre de multiples personnalités. Bruxelles, ce n'est pas exotique, Lyon non plus mais regarde. Nous vivions en face du HLM d'où pendent les serviettes et les draps, et tous les enfants chahutent en bas. Ils sont arabes ou portugais, ils n'ont jamais fait du ski, du cheval, de la voile. Moi non plus, nous étions à la même école, celle du vélo dans la rue et des samedis au square. L'été c'était surtout  les longues heures à la piscine municipale. Et les hivers en bas sur le bitume on enchâssait la neige sous l'unique saule pleureur.

Entre deux gros ciments les étoiles, mon cœur. 


Toi, et puis la mer.

28 mai 2012 Comments Off


C'est la mer sous huit degrés, c'est Knokke-Heist, et le nord de la Flandre. Le vent balaie des étendues de sable gris, les cerfs volants teignent le ciel de lueurs multicolores, membranes de nylon et de plastique rigide, diphtérie bigarrée dans le ciel entre deux gorges de nuages. Je les regarde battre les flancs de l'air. En bas, des surfeurs enlacent les vagues aléatoires de la mer du Nord. Les petits quartz griffent mes mocassins, mon visage, portés par le vent, ils s'infiltrent entre mes lèvres. C'est le sable gris des régions froides. La dernière fois je l'ai connu gelé, en substrat à la neige. Nous étions venus en février, les grandes plages étaient blanches. Je me servais du vin blanc au restaurant vue sur mer, c'était la nuit. Je te disais que je souhaitais autre chose. C'était la première fois que nous dinions ensemble, face à face étrange et inhabituel. J'avançais timidement que tu m'avais changé. Tu demandais des nouvelles de mon amour, et pendant que tu parlais, je réalisais qu'il s'était déplacé. Point de chute jusqu'à tes yeux, ton visage. Le mien regardait la ligne d'eau au loin et les petites étoiles rouges des éoliennes clignotant dans le noir.

Avril est resté froid, je ne me souviens que de Bruxelles sous la pluie, puis de quelques rayons en fin d'après-midi. Je rabats mon corps contre le tien, qui me parait comme immense à coté de moi, silhouettes intemporelles. Pourtant nous ne nous connaissons que depuis quelques mois. Peut être que je devrais même dire : nous ne connaissons même pas. Peut-être que l'on ne se connait jamais, on ne se contente que de partager un quotidien, quelque temps quelques fois. Mais voilà quelqu'un qui veut bien savoir des choses de moi sur ce bout de plage, qui me regarde du coin de l’œil, un peu anxieux. Qui peut bien être cette fille, inconstante mais solide. Qui peut bien être cette fille qui est partie pour venir de nulle part. Quel est ce contrecœur contre lequel si étrangement l'amour s'amarre.

Un homme et une femme sur la plage, ça pourrait être à n'importe quelle époque. Ce pourrait être la fin des années trente, dans l'entre-deux guerres. Nous sommes toujours entre-deux guerres. Sur trois mille ans d'histoire, nous n'aurions eu que deux cents ans de paix. Je pense à ceux qui fuient sur de petits radeaux, je regarde cette mer comme un infini cruel. La mer est comme l'existence : on regarde l'horizon plein d'espoir, sans savoir.

Le long de la digue. Toute la bonne société belge oscille sur les cuistax, ils tanguent en famille. Les petits enfants aux yeux clairs fabriquent des moulins à vent chamarrés de couleurs primaires qui éclosent entre deux dunes. Le reste est sans contraste, blanc lisse et beige en liseré. C'est un paysage marin fait de maisons cossues, et de baies vitrées. Nous prenons le petit déjeuner sur la terrasse, et dans l'air à moitié gelé le soleil chauffe un bout de table. Parfois il y a le silence, et puis l'étrangeté immobile du silence, le silence qui ne signifie rien, vacuité sereine. Le printemps est inattendu, comme toi en face de moi, et tous les autres matins aussi, le fait sur prenant de te voir. Tous les matins se réveiller comme à coté de soi. Tout à changé si vite. Je me regarde de l'extérieur, et je me sens si bien. J'ai eu un coup de chance que je n'avais pas encore eu. Je savais qu'il allait arriver. Il y avait quelque chose en moi qui me me disait d'attendre, et que j'allais gagner, _c'est bien vulgaire à dire_ que ça allait payer.

Le long de l'avenue Lippens et ses beaux magasins, tu me tiens par la main. Avec ma toute petite crosse de mini golf dans la tempête, je tiens tête à ce destin étrange où je pensais vraiment que je n'étais faite pour rien. Je me vois de l'extérieur dans cette Riviera du nord qui se dessine, ce quotidien du 19ème tendrement passéiste, où nos vies précédentes passaient l'hiver de la côte d'Opale à la côte d'Azur, en douce villégiature. C'était à Ostende que quelques baronnes accompagnaient Léopold II en résidence d'été. C'était la mode des bain de mer. Il y avait la vieille reine Louise-Marie qui finissait ses jours, déjà arrimée à son cercueil tout fait de bois clair. 

Nous longeons les ferries le long de Zeebrugge. C'est ton anniversaire et tu n'as pas trente ans. Moi non plus, mes cheveux sentent l'iode, je suis rose et fatiguée par l'air de la mer, par le vélo, par les soubresauts de mon corps tout attaché au tien. Mon espoir est soudé, ma confiance donnée, presque inintelligente. Car je suis presque bête de me donner à toi, si aveuglément déjà. Nous sommes sur la terrasse à Zeebrugge à manger des petites crevettes grises, dans ce nous inattendu qui me métamorphose. Je m'accroche à toi, je te regarde. Je me soutiens à la proue invisible de ton bras, ton épaule, ta taille. Dans mon quotidien je n'avais encore toujours connu qu'une forme de solitude, que de vagues instables, de postes non pérennes, de relations non engagées, de départs, bien plus que d'arrivées.

Et voilà que tu me protèges, tu me contemples, tu me cortèges.

Là où je finis et là où tu commences

27 mai 2012 Comments Off

Lyon, et puis quelques degrés de plus en moi. Les ponts sur le Rhône me voient vibrer contre le vent, je suis vivante, je suis vivante, ça hurle de partout. De partout je sens cette vie qui tout d'un coup se fait pressante.

C'est là où quelque chose en moi se fini,
C'est là où tu commences.

Tout

26 mai 2012 Comments Off

Je veux me souvenir de ces moments pendant longtemps. Quand tout ne sera plus qu'une vaste terre vide et noire, que la tristesse prendra le pas sur le bonheur d'être en vie, quand les souvenirs ne seront plus que des brûlures à vif, morsures faites du temps qui passe, d'amour et d'abandon. Quand le deuil aura remplacé ce printemps d'existence si serein si sensible. Peu importe qui me laissera sur le seuil, la vie n'est qu'une maison hantée par la personne qu'on voudrait être, on tente d'exister.

Je veux me souvenir de ces moments pendant longtemps, quand nous serons partis. C'est pour ça que j'écris. Car aujourd'hui il n'y a que du bonheur. Il n'y a que de l'amour, il n'y a que de la réussite. Alors je prie. Ne te retourne pas. La vie nous préserve mais tous les vœux sont vains. Tout se rejette, tout pourri, tout s'éteint.

Exils

3 avril 2012 Comments Off


Je suis sous la mansarde seule au fond de ce grand inconnu. J'ai cette conscience aiguë d'être très loin de mes repères, juste au seuil de moi-même, sans parvenir à naître.
Maïeutique amère.

Je repense à mon regard perdu à la fenêtre le premier jour de ma venue. Je n'ai pas vingt-cinq ans, j'ai surgi dans la nuit comme presque jetée au bord du quai, voilà, je déménage mon âme sur ce bord de ville dans lequel je n'ai encore jamais mis les pieds. Il ne pleut pas mais la nuit est grisâtre et c'est place Bockstael que nous attendons sous les néons des épiceries arabes un tramway jaune qui valse dans le noir. J'ai un long manteau militaire qui traine entre les sièges. Mon ombre à l'air de revenir des années où l'Europe était sombre. Moi je suis ravagée par l'envie de liberté. Je regarde ces maisons de brique rouge taillées au couteau dans le gris, ce paysage ne m'est pas familier. Je suis issue du blanc aveuglant des murs recouverts de chaux, du bleu terrible, tunisien. De la mer plate et monochrome. Du soleil puissant, simplement jaune.

J'étais comme mon père en 1973, à vouloir tenter ma chance dans une autre saison. J'aurais aimé que tu me raconte l'exil, mais tu ne l'as jamais fait. J'ai des bribes de ta vie secrète distillés à table, quand tu me parlais d'un jour où tu as demandé à manger à quelqu'un, de l'armée du Salut, de la solitude unie de l’hôpital de Hauteville quand tu étais malade. De cette année inconnue où l'on piquait ton bras d'aiguilles pour vaincre ce mal de pauvre dans tes poumons. Des cicatrices que j'aimerais entourer de mes bras. Je me souviens de ton front où perlait une fine sueur, je l'embrassais; Je me souviens de tes yeux qui s'embuent parfois. Tu es si simple et silencieux. Sérieux et travailleur, je tâche de me souvenir de toutes tes valeurs. Tu ne m'as rien dit de l'exil. Mais je sais que tu en pleures.

Je me souviens d'un jour où mangée par l'anorexie je poussais ce cri de douleur dans l'écriture : que faire du vide ? Oui, d'ailleurs que faire de ce vide en moi que rien ne comblait par tous les pores. Ce vide où rien ne préexistait avant l'amour, où je croyais n'être pas née avant de nous connaître. Où je pensais vraiment qu'aucune existence n'équivalait la nôtre. Puis finalement l'existence est cette succession de capitalisation lente puis de pertes brutales. Ce compte bloqué en toi où tu ne cesse d'investir en l'autre.

J'ai fini par me souvenir que mon enfance est bien la plus belle de mes histoires d'amour. Je suis une histoire d'exils. Je me demande encore, aujourd'hui, comment je n'ai pas réalisé plus tôt d'où me vient cette continuelle nostalgie. De cette famille issue du rien et du partout. De cet amour douloureux de l'absence, de la condition terrible de l’immigration, de la pauvreté, du partage. Je suis la fille d'un sans papier arabe - où est l'insulte dis moi? Mon grand-père est un napolitain qui a quitté sa femme. Ma grand-mère est une belle de Florence qui à vingt-ans laissait ses frères en plein cœur de la guerre. Ma famille est une communauté de fuites en-avant. En Tunisie ils rêvent de quitter leur continent aride sans vraiment vouloir y parvenir. Aucun d'eux ne se jette à l'eau. Puis avant il n'y avait pas Lampedusa, les patrouilles. Il n'y avait pas la traque, mais on a traité mon père comme un chien. Émigrer c'est parfois comme quitter quelqu'un : il y a le mal de l'autre qu'on regrette, des autres qu'on fantasme, de l'autre qu'on rejette.

Je suis née sur une chanson du sud qui dit "ti voglio bene asai". Je te veux du bien, m'a dit ma mère quand j'ai ouvert mes yeux sur ce monde étrange pour la première fois. Je te veux du bien. Il y avait un douloureux accordéon dans la cuisine, et l'odeur des oignons sur le feu. Notre trait d'union de toi à moi maman, c'est une sauce tomate sanguine. L'amour violent comme une vague, implacable et constant.

Je nous revois tous les trois frissonnant dans la brume du petit matin dans le port de Gènes, comme en exil. Nous partons pour la Tunisie, nous roulons déjà depuis des heures. Tout ça me semble une nuit. Nous avons fait ce chemin plusieurs fois, mais on dirait que c'est une seule et même année. Dans la petite Fiat rouge, dans la Renault 5, dans la Peugeot 309 année 87. Je me réveille dans l'aube sur le port, la ville est sale et tellement laide qu'elle en devient presque belle. Engoncée entre la montagne et la mer, acculée à la nature, réduite à se contenir entre l'eau et les pierres. Il y a de la rosée sur mon menton, j'ai dormi entre les valises. La voiture roule dans la grande cale jaunâtre du bateau, ça sent le fuel, les gens s'agitent. Les hommes de la douane ont désossé le vélo, éventré les mouchoirs. C'est le début de l'aventure, j'ai deux passeports, deux nationalités. On ne cessera de me demander si je préfère être française ou être tunisienne. Moi j'ai peur qu'on m'arrache à l'innocence feutrée et douce de ma chambre, j'ai peur de cette virginité dont je suis affublée et dont je m'empresserai de me débarrasser. L’islam me fait peur. Je vis leurs questions comme un viol.

Je te revois papa. Tu me tiens la main, et nous sommes tous les deux avenue Habib Bourguiba. J'ai dix-huit ans mais je te tiens la main quand même car j'ai l'impression que d'ici peu je vais bientôt te perdre pour un bon moment. J'avais raison, nous ne nous sommes retrouvés que depuis mon exil. Comme si je devais moi aussi faire l'épreuve de me bâtir dans un autre pays. Nous longeons les vendeurs de citronnades fraiches sucrées, nous passons devant les taxis qui vrombissent de toute part. Entre les cafés à la française et les ministères, nous flânons dans l'allée centrale près de quelques palmiers. Je me sentais très fière d'être auprès de toi. C'est mieux que les Champs Élysées, tu vois. C'est l'avenue Bourguiba.

Mon père achetait ses Marlboro au bar-tabac de la rue Francis de Pressensé le mercredi matin. Je ne l'attendais jamais dans la voiture. J'étais sa petite poupée qu'on montre, qu'on habille, qu'on transporte. C'était le mercredi, je n'avais pas école. On restait tous les deux en amoureux à manger des petites patates carrées, des steaks, des petits pois. La cuisine était le plus beau royaume. J'étais l'infante unique au milieu des assiettes. Mon père faisait la vaisselle. Mon père n'avait pas peur d'être une femme comme les autres. Mon père repassait. Mon père est mon premier amour. 

Je suis dans la rivière de l'Ain.
C'est un quatorze juillet, je nage dans l'eau glacée entre les pierres, le courant est si fort qu'il emporte les algues, les petits poissons virent à contre-courant. J'apprends à nager ici, et aussi dans la piscine de l’hôtel Amilcar à Tunis, aujourd'hui à moitié en ruine. Des adolescents se jettent du pont, on pêche la truite fario, la carpe et l'ombre commun. Parfois des lames d'eau surgissent quand les lacs de retenue déversent le trop-plein des barrages électriques, l'eau afflue sur les berges, on doit sortir d'un coup. Parfois les crues inondent les plages de galets. On garde son odeur secrète sur le corps, comme après l'amour. On garde aussi les petites plaies des pierres et des branches qui rappent les hanches quand on plonge plus profond. Il y a des arbres qui paraissent grandir exclusivement dans le limon, des roseaux. Nous revenons à Lyon au crépuscule sur une route classique entourée de grands chênes. Plus tard je n'y retournerai plus, je resterai dans le dédale informe de la ville. Je ne voudrai plus ni de la famille ni de la nature. 

Je parle du passé parce que le présent reste une transition sans fin. Au delà de l'enfance, des années de folie non plus je n'oublie rien. Je baladais mon corps un peu malade le long de l'Avenue des Arts ce dimanche, le soleil était boudeur et froid comme un très beau garçon qui n'aurait pas voulu être près de moi. J'avais mal à la gorge, j'avais chaud et froid. Les voitures s'élançaient devant l'ambassade américaine et je trouvais à Bruxelles un air de Salon de l'automobile continuel. Au loin dans un coin on voyait le Cinquantenaire dans ce bleu de ciel trompeur. J'ai trouvé que la ville était belle dans son corset de bureaux vidés par la crise, de librairies bondées, de langues qui se parlent sans s'écouter. Quand on regarde Bruxelles de plus près c'est comme si on entendait lentement l'Europe s'effondrer. Dans un froissement de drap, un chuchotement. Dans cet astre qui ne chauffe pas. La tour se démembre, les escaliers s'écroulent. Marche par marche au ralenti le monde nous abandonne à nos statues, notre histoire, nos panthéons. Les chinois achètent les beaux hôtels parisiens, j'ai vendu une maison de maître aux Émirats sur les étangs d'Elsene. C'était la demeure aux aulnes il y a quelques siècles. C'est un pays où les arbres sont des êtres vivants, où l'on est issu d'un champ : quelques familles étaient Vandervelde. Je regarde mon visage étrange, et le leur, celui de ces gens qui se disent de quelque part. Ils s'allient, ils se transmettent. Je suis la fille de ceux qui ont tout quitté, de ceux qui sont partis, de ceux qui ont rompu, abandonné, trahi. Je suis la fille de cœurs recomposés, d'aortes qui ne se joignent plus. Quand vous aurez vendu en France, que me restera-t-il de cette terre éparse, sinon quelques inconnus qui ne porteront jamais mon nom.

Je peux perdre toutes mes appellations, mes nationalités, je suis sans toponymie. Le jour de mes dix-huit mois tu m'as présenté à ce visage tatoué et je suis devenue quelqu'un. C'était ma grand-mère, et du fond des siècles sa face bleutée me regardait pour la première fois. Je hurlai. Je n'ai pas oublié. Il n'y avait que des femmes voilées qui sentaient la coriandre et le cumin brûlé. Voilà le début de l'histoire, vraiment. Le premier souvenir de ma vie c'est ce terrible affrontement.

Watermael-Bosvoorde, dix-degrés.
Bientôt nous retournerons au Zoute pour nous oublier.
J'ai hâte de voir le Zwin dégelé, et puis la mer du nord, toujours lointaine. Et les plages, les plages d'algues sauvages, loin de la cote de Jade, ces plages toujours glacées. Cette année est comme la mer du nord, immense et reculée. Au nouvel an je suis allée à Nieuwpoort. Je n'ai rien dit à personne de ce voyage soustrait au temps. Il pleuvait sur le sable, dans la nuit tout paraissait instable. On ne voyait pas l'eau mais l'horizon du ciel se fondait à la terre mystérieusement. Je souriais hagarde au paysage lunaire. Tout était noir brut car la nature ne connait pas les fêtes. On entendait le ressac. Le reste n'était qu'un grand silence. Ni les cris de bonheur, ni les grands désespoir. Aucune humeur si bassement humaine, aucune Histoire.
Je n'étais qu'un corps suspendu dans le noir, juste au bord de la Terre.
Je n'étais qu'une mécanique battant au bruit de la mer, lui appartenant.
Il n'y avait plus d'exil. 

Zuidstation

7 mars 2012 Comments Off

C’est gare du midi, mais ce n’est pas le sud.
C’est Zuidstation, ces colonnes de béton gris et son carrelage façon années quatre-vingt dix. Menant au quai 6a-6b, je me suis assise sur un escalier. Je pleurais comme un enfant abandonné dans ce milieu de gare. Je pleurais et je n’allais plus jamais te revoir.

Quand je traine mon corps bancal le long de Vorstlaan et que je repense à toi à l’intérieur une valvule aortique s’éventre dans le soir. Ça coule par ma bouche, ma vie redevient noir et blanc. Toutes les couleurs sont restées dans l’été, dans le bruit des grillons, dans le fond des gorges de l’Hérault, dans la chaleur troublante des paysages de monts d’or et des iris rabougris par l’air de sec, dans les mangroves, dans l’eau froide et dans les galets, sur les places de village aux parasols imprimés, sur les marchés d'olive vertes, de tomates, de poivrons jaunes, d'épices et d'azalées. Toutes les couleurs sont restées dans cette dernière nuit où la lune était blanche et le ciel bleu Klein. Ma nouvelle vie est un hiver sans fin.

Une seule fois

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A quelques centaines de mètres de la Flandre, sous les toits. C'est dimanche, la radio braille des tubes europop en néerlandais, des chats courent sur la véranda, la chambre est illuminée, nous partageons un petit déjeuner tous ensemble. Cette fille d'ouvriers de Charente aux cheveux dorés beurre ses tartines, elle sourit parce qu'elle aime offrir et qu'elle me donne de son pain blanc et de la confiture aux airelles. De l'autre coté de la table, Georges regarde au loin les transats et le ciel anormalement bleu, il me parle des avions qui vont jusque Kinshasa. Sa voix est un apaisement sans nom, malgré l'accent belge, malgré le ton étrange, un brin impressionnant, bruxellois. Je n'avais pas ressenti ça depuis plusieurs mois, cette sensation d'être en moi, ici, chez moi. Cette nouveauté construite d'une seule pièce, taillée dans une pierre douce avec laquelle on ne construit aucune statue. Ce bloc unique de volonté de vivre, de dépassement de soi, de sensibilité d'amour et d'émotion.

La veille, nous sommes restés dans la salle des tableaux de Rubens au Musée Royal. Immobiles, debout, en dévotion. Je regarde un clair-obscur sanglant qui n'évoque plus rien en moi quand je pleurais auparavant devant le Caravage. Je me protège tellement à l'intérieur que je ne me laisse plus re sentir. Nous étions pourtant rassemblés dans une sensibilité commune, quand la fille chantait au milieu des peintures. Je me suis souvenue de mon corps un peu tremblant sur ce quai de gare, presque sanglotant, saisi. C'était le début de l'histoire. Elle était venue à ma rencontre, dans son manteau rouge, petite fille aux allumettes. Et Georges avait préparé un diner. Je ne suis peut être pas bien née mais je suis bien venue. Je ne les connaissais pas, je voulais t'oublier. L'équation était simple : fuir, découvrir, donner. C'est dimanche, ça pourrait être le premier dimanche de mon arrivée. Cécile et Georges mangent leur céréales au lait chocolaté et le chaton joueur vogue de genoux en genoux en quête d'une main tendue. J'étais cet animal à la recherche d'une épaule, d'un bras. Je me souviens, je les ai chéris tous les deux en te regrettant pour la dernière fois.

Along Tervuerenlaan

27 février 2012 Comments Off

C'était au quartier des États-Unis. Tu étais dans la baignoire blanche, dans la salle de bain sale aux grands vitrages, imitation arts déco. Je t'ai vue, et j'ai su que j'allais souffrir. Tu n'étais pas spécialement belle. Tu étais celle que j'attendais. Car je t'ai vue, et je t'ai aimée. Tu étais celle que j'attendais depuis toujours.

Comme est douloureux ton désamour.

Alors, sur l'avenue de Tervueren, passons notre chemin. Si j'avais su qu'on se quitterait comme ça si loin, en silence, dans un coin. Je m'allonge sur l'herbe froide du Jubelpark, il y a cette solitude de partout, si simplement humaine. Si naturelle. Tu me laisses ici, sous les tilleuls. J'ai le cœur en joue. Je n'enlace plus les pierres en t'espérant. Je n'espère plus, je veux. Je veux de la chaleur vivante contre mon cou. Et puisque la vie est courte je ne pleure pas, je tourne les talons. Il y a quelque chose de beau en moi que tu ne sais plus voir. Tant pis d'autres le verront.

21 février 2012 Comments Off

Il ne neige plus sur Watermael-Boitsfort,
Mais nous ne passerons pas l'hiver
Non, nous ne passerons pas l'hiver mon amour.

Et je leur disais un jour : "je prie pour aimer à nouveau, autant"
Et aujourd'hui aussi je prie pour un jour aimer à nouveau
Autant que je t'ai aimée
Autant que je t'aimais

Les autres

7 février 2012 Comments Off

Il fait moins dix degrés boulevard du Souverain, voilà tout est figé
Le monde s'est terni, il n'y a que le silence sur les lacs gelés
Les jours ont des crocs et ils sont restés plantés dans ma peau comme ça
Quelque chose de pointu, mordant et acéré
Et j'avance en boitant dans ce royaume sans toi
Il ne reste que les autres, ces autres et le froid

Reprise

2 février 2012 Comments Off

Watermael-Boitsfort, moins sept degrés.
Mon corps gelé dans ce costume tout neuf est un épouvantail dans la brume.
J'ai beau me regarder dans toutes les vitres. Tous les miroirs.
Je ne me reconnais plus.

On the inside

29 janvier 2012 Comments Off

Abortion. Jette, 2011

Gare de Bruxelles Midi, seize heures. Mon thorax à découvert depuis des jours palpite comme un poisson sans eau échoué sur le rebord. Dans cette opération à corps ouvert, une seule question se pose : viendras-tu guérir ce fond sous les côtes qui se nécrose. Viendras-tu panser par ta peau entre mes deux poumons. Combler ces impacts de balles fusant jour par jour dans cette guerre civile où je saigne pour devenir adulte. Car grandir ne m'a pas assez armée.

En attendant, tu es dans le grand hall. Je traine sous la publicité Deutsche Bank, je fais d'abord semblant de ne te pas te voir. En fait j'ai suivi l'arrivée du train, depuis le début. Depuis le début je te regarde comme si je n'allais jamais plus te revoir. Et comme si je ne t'avais jamais vue.
Dès ta première apparition, étoile montante de mon grand cinéma, tu sortais déjà de cette masse bruyante, cette foule anonyme. C'était rue de la République, à Lyon, à coté du Pathé Gaumont. Les gens étaient pressés et tous très laids. Noël était dans quelque jours, et avec lui, quelques épidémies humaines, aviaires, capitalistes. Tu sortais de cette laideur. Ton visage d'ange lunaire, tes yeux pâles et froids, cette beauté négligente est sortie de ce fond de rue sans charme et commerçante.

Tu portais cette indifférence naturelle et un peu cruelle que tu opposes à ce monde qui se déchaine. Je te regardais sans savoir. Tu transportais déjà avec toi mon regard. Quand tu étais de l'autre coté de la table, totalement inconnue. Je ne te connaissais pas mais je te regardais déjà, et avec toi, ce beau pré-sentiment. Et je crois que je t'aimais, je ne savais pas non plus que c'était possible, mais je t'aimais déjà.

Nous sommes restées au fond de la couette pour deux personnes et demi, enterrées et paisibles. Entre tes petites mains blanches les draps sont le linceul de cette vie d'incertitude. Il y a cette odeur d'amande persane de partout sur ton dos, tes reins, dans ma bouche. Et une douceur qui n'a d'égale que l'intensité de l'attente. Dehors tu sais, il pleure à torrent rien ne s'arrête. Continue de dormir, je peux veiller sur toi tu sais rien ne m'arrête. Le ciel s'émeut pour moi, parce que la vie est courte, parce que tu vas partir, que je ne suis pas prête. Nous commandons des huitres et du saumon fumé en livraison jusqu'à chez moi et tu dors quatorze heures. Nous sommes à l'intérieur du bonheur.

Tu dors des heures et moi je te regarde. Je te regarde tout le temps parce qu'une fois partie je veux pouvoir t'imaginer encore de partout dans ma vie. Debussy se jouait au Conservatoire royal, il y avait deux grands pianos à queue, et des pianistes français. On entendait le bruit du tramway le long de la rue de la Régence. Tu bougeais la nuque, doucement, parce qu'elle te faisait souffrir. De gauche à droite. Je me souviens de mes mains contre ton cou, qui soulageaient tendon par tendon. Comme ta présence soulage cette douleur monumentale qui ne s'en va jamais. Parce que la vie est courte, parce que tu vas partir, que je ne suis pas prête.

Je t'ai ramenée à la gare. Mon cœur était toujours là, tout près de l'Eurostar. Une bière s'est ouverte sur ta chemise Paul Smith. Je pleurais avant que tu ne t'en ailles, parce qu'entre Anderlecht et Anvers, je ne sais pas encore si je suis vraiment là où j'aurais voulu être.

Je te fais des signes derrière la vitre des comptoirs. Tu me souris, je suis bien. Puis je me suis assise sur les marches dos au panneau des départs, et j'ai pleuré assez longtemps pour que les trains de Liège, Namur et St Pancras, s'effacent dans le noir. 

5 janvier 2012 Comments Off

L'attente est un état violent

Flétrir

2 janvier 2012 Comments Off

 Saint-Gilles, cheap restaurant.


J'ai pris racine dans la cuisine, illuminée d'un soleil presque barcelonnais. C'est tous les jours de la semaine. Car tous les jours de la semaine se ressemblent quand l'existence parait quelque peu pointless. Souvent c'est sous le ciel bas sempiternel, mais aujourd'hui c'est le soleil. Ce n'est pas si loin des serres royales de Laeken, de là où fleurissent ces plantes fragiles et exotiques importées du passé, du Congo belge, de l'Indochine française, de la Zélande nouvelle. On dit que les plus belles choses mettent du temps à pousser. Est-ce que je suis de ce genre là, en maturation longue, est-ce que je fais partie de ces espèces à protéger. 

Éclose dans la cuisine, sur mon cinquième café. J'ai parcouru les cinquante-quatre stations de la ligne 94 jusqu'à Trammuseum. Je n'ai visité aucun musée, j'ai faim de réalisme. Je marche et me nourris de cette ville de part en part, vite, maintenant. Qui sait si je serai encore vivante au printemps.

Alors je suis dans la cuisine, les avants-bras délicatement posés sur le plan de travail, paumes tournées au ciel. Un pan béant de moi à la fois fleurit et se nécrose, cage thoracique vidée sur le carrelage en porte ouverte comme un triste frigo.

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Je t'attends, déjà. Oui je suis à la gare.
J'ai déposé mon cœur sur le quais où arrive l'eurostar.