Archive for 2009

Nature V

31 décembre 2009 Comments Off

Tu m'expliques d'où vient la couleur du ciel et les champs magnétiques. Mon cœur bat autrement, mon souffle vrille différemment, mon sourire aux lèvres est ce baiser

du vent des tempêtes des étoiles de la lune du minéral des pierres des gisements des fonds de marins des animaux du système des fleurs de la mer du petit matin de l'immensité du monde du couchant des coquillages gris de l'écume au soleil de la pluie de la nuit noire de lumière. Tout tombe mal mais je te raconte ce que j'ai de plus beau et te donne ce que j'ai de meilleur.

Un Hanami d'hiver

24 décembre 2009 Comments Off


à l'Astragale

Chaque millimètre du monde est un Inespéré
Des hellébores éclosent aux toutes premières heures
L'hiver s'incline élégamment
Dans une
demie torpeur

Chaque jour parait enfin si pur
Le sourire est enfin ce qu'il est:
Une seconde nature

My own hapiness

11 décembre 2009 Comments Off


Le bonheur a été cisaillé au couteau
Pourtant je suis heureuse
Car il n'y a aucune blessure aussi létale qu'un paysage lunaire
Et ses chotts décharnés par le vent.

Assombrie par la fièvre
J'ai dans la nuit pris le sable pour ma chair froide
Et les pierres pour mes os, mes coins de table
Miettes de sang bâtard

Je croyais n'être qu'un torrent de lave
Enlaçant de petits cailloux gris, hagards
Je ne me suis pas cherchée, tout paraissait tari.

Puis plus rien ne bouillonne tout est si silencieux
Mon corps lapidé ramasse ses viscères
Les empile deux par deux

Le bonheur a été cisaillé au couteau
Pourtant je suis heureuse.
Ma joie d'être encore en vie n'a d'égal
Celle de ne plus jamais te revoir

Si brut si brutal

21 août 2009 Comments Off


Je n'avais pas prévu la mue si longue. Je ne pensais pas vouloir si vite quitter cette vie de faux adultes, d'adultère au bonheur. Et l'attente m'épuise: Je ne sais dans quel fond de corps me terrer ni où loge l'espoir. Peut être que je sous-estime ces fondations antiques, l'enfance, la génétique.

Elle était dans la cuisine chez ses parents, dans une ivresse de désespoir, le visage et le corps en sang, et j'avais sa peau sous les ongles. Et dans les dents, et des bleus sur les mains, j'avais les doigts tordus. Maintenant, dans un glissement subtil de quelques semaines, elle repeint le salon tristissime du trentenaire perdu qu'était l'ancien locataire. Elle repeint comme pour repeindre tous les mois précédents. Que vais-je rendre les clefs maudites de ce sous monde bleu marine, de cette chambre de ville centre, de cette vie à pleurer, de ces soirs à attendre. Dit moi que je rends les clefs d'une vie qui nous est étrangère désormais. Je ne sais comment je crois toujours en toi, ni par quel merveilleux miracle tout le bonheur se produit. Dit moi que c'est maintenant la vie nouvelle, je ne veux plus de brutal, je ne veux plus de sirènes le soir quand tu ne rentres pas, je ne veux plus d'ombre aux escaliers, plus de pieds nus dehors. Plus de bouteilles à oublier. Maintenant on attend que la pluie tombe, un chat sur les genoux. Elle est née au mois d'avril, quand tout commençait à partir. Maintenant nous repeignons, réaménageons, recollons, vernissons, on carrelle les plaies, on cire les cicatrices, dans notre appartement cassé et vieux, toujours permanent.

J'ai transvasé de terrarium en terrarium, de murs ardents et bouches sèches.
Hors de moi, hors d'elle aussi.
Manger dans ma bouche ouverte, celle du haut seulement, plusieurs milliers de formalités, des administrations, des chèques, de comptes en banque, un mémoire à écrire. De rage un jour j'ai mangé du papier devant elle. Il y a tant d'inutiles blessures, d'inutiles moments avec la rage. Dehors comme dedans, le monde reste animal et nu, si brut. On le retrouve dans cette fatigue, cette sueur la moins suave, cette déception annuelle qu'est l'été sans le voyage, les vacances sans repos, l'année sans parachèvement.

Un ciel sans nuage:
Inexplicable tristesse
Subite monotonie

Ascètes ermites

22 juillet 2009 Comments Off

Nous nous retrouvons dans une ville gorgée d'eau et de chaleur encore.
Toujours Lyon, jamais pareil.
Il s'agit de se recomposer, zombies du renouveau.

Nous faisons des promesses dans l'espoir, cette fois, de les tenir, dans un accès de volonté presque jusque boutiste. Un appartement en ruine, voilà ce pour quoi j'ai signé. N'en as-tu jamais assez de la douleur et de l'effort. Ne pourrais-tu pas te reposer un jour, corps savant coeur fou battant à tout hasard de partout. Mon cou est bloqué par une contracture étrange, mais la boule de nerf entre deux os c'est moi. Nous faisons du tri en tout, la vie pousse tout à coup naturellement, j'essaie de ne plus ronger l'existence, ascète. Il pleut sur le goudron brûlant.

Ever

3 juillet 2009 Comments Off

C'est comme si la nuit ne tombait plus et que le soleil avait décidé, de façon tyrannique, de m'inonder de lumière et de désir. Les montées d'escalier sur les pentes se font plus douces, le corps plus offert. Un répit de quelques jours s'installe en moi. Puis elle est revenue, et depuis je ne cesse d'être hypnotisée par cet être revitalisé. Naturalisé à nouveau. A nouveau dans mon nid brûlant et moite. A nouveau dans mon lit de bruyères et de bruits de la ville.

La chaleur de l'été s'installe dans l'ancien appartement, l'espace se gagne plus difficilement, le ventilateur des années quatre-vingt ne prévient en rien la moiteur contre la nuque et le coussin mouillé. Quelque chose se fini d'un autre coté: l'année, que je ne veux plus évaluer, parce que le perfectible n'existe pas. Le quatre juin je venais la voir, j'avais cette robe jaune soleil dos nu, comme ma mère avait une robe jaune quand elle était au Moulin Joli à la fin des années soixante-dix. Mon âge se rapproche désormais de son âge à elle quand elle fumait sur cette chaise, et c'est étrange de le savoir. Quand je suis venue la voir dans ma robe jaune, il n'y avait pas de romance. L'odeur de l'hopital, si inhospitalière, investissait ma poitrine. Les escaliers se faisaient raides, les couleurs m'étourdissaient: l'étage des cigales, l'étages des autres, l'accueil. La chambre du patient. Tout ce vocabulaire de l'attente, de la maladie, puis de l'attente.

Ma robe jaune, je l'avais repassée méticuleusement avant de venir. Puis nous nous sommes froissées d'anxiété, de bonheur maladroit, puis d'anxiété encore. Sous la tendresse témoignée, qu'est-ce qu'il y a? Sous la tendresse il n'y a pas que de la tendresse je crois. Un mois suffit-il à refondre la ferveur, lisser les bords. Faire passer la douleur. Nous cueillons des fleurs, et des cerises. Je mange ta bouche comme si j'avais peur de ne jamais la retrouver, jamais.

L'amour ne devrait jamais faire oublier la liberté d'être uniquement, si simplement, soi, en entier. Jamais.

Si hâtives préparations

26 juin 2009 Comments Off



Elle n'a vu de notre nid débutant que la cage d'escalier aux murs grenats. J'en reste aux parties communes car la peur me souffle des idées de fuites et de dédales brûlants. L'attachement au lieu vient de l'angoisse de la perte. Chaque couleur primaire est ce besoin infantile et jamais rassasié d'identification:
Comme j'aimerais pouvoir autopsier le temps.

Les lieux parlent par les couleurs et les noms. Et la mémoire est plus précieuse que tous les sens.


Quand nous étions à Berlin dans cet appartement de banlieue nord ouest, je me remémore parfaitement l'itinéraire plus que la chambre rose. Il faut prendre la ligne 8 direction Wittenau, le changement est à Alexanderplatz ou Jannowitzbruke si l'on vient par le tramway.

Il faut descendre à Alt-Reinickendorf ou Lindauer Allee, puis passer par le parc.


Je me souviens qu'une nuit nous nous sommes perdues. Nous avions débarquées hagardes à Hermanstrasse, à trois heures du matin. Il y a avait une place publique, des commerces turcs aux hommes endormis sur des tabourets. Nous ne nous entendions pas bien cette nuit là. Je ne me souviens plus pourtant ce que je lui reprochais. Mais je sais que le monde est un plan de métro parisien: on voyage sans savoir où l'on va arriver et les stations sont rarement propres et bien agencées.

Et le sommeil est un métro berlinois wagons vides et filles tatouées rentrant d'une longue nuit. Qu'il est bon de se rappeler que la vie est toujours de couleur indéfinie. Je sais que je t'aime toujours car je veux partager d'autres métros inconnus avec toi, encore un moment, ailleurs que sur la ligne D. Et plus encore ailleurs.

Il y a peu d'endroits où j'aimerais retourner tant qu'à Zylt, Pise et Dougga.
La première est cette île où l'on vient en train à marrée basse, sur la mer du nord et ses bois blancs .
La seconde: cette chambre sous les toits qui ne doit plus exister, et cette nuit sereine
La dernière est un champ de plateaux secs et de ruines romaines, vides au crépuscule.

Là où j'aimerais ne plus revenir: La banlieue de Rome à Rimini, quand ma grand mère adoptive au dos courbé plumait une poule dans une maison italienne à colonades, sans chauffage en hiver. L'appartement de Genève où la femme qui me gardait fumait clope sur clope et se réveillait dans l'après-mi
di. Ce chalet de Haute Savoie lorsque j'étais cartographe, logée dans la pièce qui sentait la mort du crucifix aux plinthes.

Et dans cette peinture de monde étrange, entre les deux, il avait l'appartement Haussmann rénové à la hâte, et ses fausses moules, cette alcôve de tapisserie peinte, sombre et enchantée. Au plafond j'avais collé des étoiles, pastiches: désirs de rêve et d'immaturité. Et je me souviens nettement de la personne qui m'avait aidé à les accrocher. Je tentais de mettre un ordre dans le ciel. Elle m'a dit Place tout au hasard c'est plus naturel. Tant de mémoire pour de si hâtives préparations, de si hâtifs changements, un si court moment d'inexistence.

Je quitte aussi cet appartement parce que je conserve l'image de moi en train de pleurer dans la cage d'escalier, plusieurs fois, à tous les étages. Il y a eu du positif aussi. Oui, je sais. Mais la photographie est nette. Le reste en négatif.

Des Tables Claudiennes

23 juin 2009 Comments Off


Illuminé et pauvre, le bâtiment est un Canut à l'électricité non conforme et aux murs peints en rouge dans les parties communes. Une rambarde en fer forgé dans un style renaissance compose une cage d'escalier éclairé d'une baie vitrée en verre grossier du début du siècle, fêlée en quelques endroits. Sans ascenseur, il faut s'essouffler jusqu'au quatrième pour venir s'échouer entre une porte de bois sale et peinte d'un taupe vieilli. La voisine a son entrée criblée d'affiches sur le veganisme et l'anti-nucléaire. Un arbre surcoloré et un masque à gaz murmurent, gargouilles d'une église ouvrière:

Un autre monde est possible.

Il faisait noir à cinq heures du soir, pourtant on était mi-juin et un vent lourd de moisson en avance battait mes flancs. L'air était tout bonnement corrompu et humide. Ma voix filait filait vite au téléphone, le temps et mon collant filaient aussi. Puis il y eu cet inconnu en chemise rose, de type arménien venant vers moi, l'air désemparé. Je vous ai entendu parler, vous cherchez un endroit? Plus un envers, mais bon. Ce garçon avait la raison de départ la plus poétique qu'il soit, et bien que cela ne joue en rien dans le destin, il faut que je l'écrive: l'ancien occupant de cet appartement plaque sa vie entière pour rejoindre son amante à l'autre bout de la Terre.


Le quartier n'est en rien comparable à celui de mon Haussmann biscornu et chic. Les Pentes de la Croix Rousse sont cet urbain sauvage criblées de tags qui sentent la bière, la pisse et la peinture. Alors je sais que je m'y sentirais bien, qu'il n'y aura rien à recréer, que tout y est déjà. Cette lumière plein sud franche et libératrice, cet espace de vie décrépi, ces murs un peu moisis, cette porte abîmée. Voilà ce monde qui nous ressemble, un peu sale mais beau, cabossé mais salubre, douillet dans son écrin de calcaire et de rouille qu'on masquera à coup de peinture. Elle dit qu'elle veut m'aider à refaire la porte, et je comprends en double discours qu'elle veut refaire le monde. Et j'ai peur de me laisser aller.

Il y a si peu de temps depuis que tu es partie à Vaugneray. Et de mon coté Rita et moi, nous n'avons pas su avancer comme toi. Rita et moi c'est une histoire qui peine à débuter, je ne prends pas rendez-vous, j'ai quelque chose à faire, tous mes vendredis sont pris. Peut être que j'aurais du partir aussi, peut être que je devrais me libérer de quelque chose. Il y a tant de choses à reconquérir après l'intimité, et tant de choses à faire, et à abandonner. Car mon enjeu personnel à moi, ce n'est pas de gagner, c'est d'accepter de perdre. Et ce soir même le soleil peine à se coucher. Et quelque chose qui me ressemble, moi je ne sais pas ce que c'est.

Et puis vient le silence

21 juin 2009 Comments Off

Je n'ai pas osé revoir Rita depuis la dernière fois où j'ai dépassé l'horaire parce qu'elle n'a pas vu l'heure et parce que moi non plus. Je vous ai arnaqué de vingt et une minutes, soit dix euros cinquante cents. Là encore j'ai dit "excusez moi c'est de ma faute, j'aurais du regarder la montre." balbutiement, bave précipitée.

Elle n'a rien dit Rita, elle a trimbalé son gros corps noir jusqu'à la porte, a broyé ma main dans la sienne, confuse. Je me suis retrouvée cours Emile Zola juste au début du crépuscule. Nous avions eu ce genre de séances que je déteste, où vous me faites parler de ma mère et de mon inexpérience sentimentale plus que sexuelle. Je n'avais pas réalisé que j'étais encore presque vierge du cœur, que c'était un papier froissé avec à peine cette marque gribouillée dans un coin de façon appuyée.
Vous faites mouche Rita, cette détente sous votre pouce, vous savez très bien où elle est.

Au final vous n'avez jamais aimé quelqu'un d'autre
.

Je tords mes mains sur le siège en osier. Les gros me font toujours penser à des caricatures, alors je distingue leur caractère aussi grossièrement, avec d'aussi gros traits. Il y a les obèses fainéants, les gras manipulateurs. Je suis méchante parce qu'avec vos mains potelées et dégoûtantes, vous avez mis le doigt où ça fait mal. Quelque part dans un creux de mon dos bouffé par les moustiques, vous avez glissé votre chair visqueuse et molle contre ce qui me reste. La grimace est amère.

J'ai essayé d'aimer quelqu'un d'autre Rita. Je regardais la couverture poussiéreuse de Vie Secrète, car elle est imprimée comme un palimpseste par les couvertures des autres livres qui lui sont restés dessus pendant toutes ces années, lui donnant son titre dans un baptême humide au fond d'une cave des archives. Au dos il y a écrit que la vie n'est pas une tentative d'aimer, qu'elle est l'unique essai. Alors pendant plusieurs mois j'ai essayé d'aimer quelqu'un d'autre que toi.

Et au fina
l, me dit de sa bouche dessinée au crayon, Rita: au final. Au final je n'ai pas su comment aimer quelqu'un d'autre comme ça. Dans ce final de vie qui débute à peine, j'aurais tellement voulu contrôler l'existence jusqu'aux sentiments.

Lorsque j'étais enfant, je me plaisais à apprendre à ne jamais laisser la douleur par dessus. Je mettais de l'eau brûlante dans le bain pour me souvenir de la souffrance. Après quelques minutes à m'être ébouillantée jusqu'à la nuque, je commençais à dissocier le ressenti et le réel.

Enfant, je n'ai jamais fait le premier pas vers l'autre dans les sentiments. J'ai toujours pensé que rien était possible avec moi, que le ressenti était uniquement un désir falsifié, que c'était aux autres de venir me chercher. Le premier plaisir me rappelle la honte étonnée. Vient la tristesse ensuite, devant tant d'éphémère. Ce sentiment de tristesse après le solitaire, il n'est pas jamais parti.

J'ai failli aimer quelqu'un, j'ai essayé d'aimer quelqu'un d'autre, je me suis persuadé d'aimer une autre personne, je me suis faite aimer beaucoup aussi, et j'aimais ça. N'est-ce pas suffisant? Je n'ai pas choisi un soir d'automne de mettre mon coeur en avance rapide. J'ai choisi quelques proies ensuite, pour faire payer le désamour de la manière la plus immature: Jing m'aimait dans son petit studio minable et noir. Je me souviens de mon corps qui rencontrait pour la première fois cette absence étrange de soi durant l'étreinte. J'ai connu plusieurs fois cette sensation: quand je ne mangeais pas et que je souffrais de plaisir, quand j'étais dans le lit de quelqu'un que je ne voulais pas. Dans ces situations je souffrais aussi et j'aimais ça. Mon cerveau se mettait en mode abandon. Les caresses étaient cette osmose chimique entre la peau et les nerfs, une rencontre fortuite. Le plaisir, satisfaction basique. Le vide en moi ensuite, en descendant les escaliers, les recoins asséchés, était si proche de l'anorexie, qu'il s'y confond.

Le jeûne et le plaisir sans l'amour sont pareils, quelque chose est atteint à l'opposé du Bonheur, mais quelque chose est atteint quand même. Le plaisir sans l'amour manipule l'autre en face, le jeûne est cette même manipulation envers soi.
Je t'ai bien eu, je t'ai fait croire que tu pourrais survivre sans nourriture, mais en vérité tu n'es pas surhumaine. Tu sais bien faire du mal aux autres. Dans ces autres là il y avait Marjorie. J'éprouvais du plaisir à être ballottée dans tous ces endroits si jolis où tu m'emmenais: de l'opéra au ballet, du théâtre au restaurant japonais. J'éprouvais du plaisir à ne pas avoir ni à choisir ni à éprouver, quand en face tu croyait en moi, moi morceau de bois mou.

Je la regardais se consumer et attendre, et je me regardais comme une autre.
La fille dans ta voiture sous la neige, ce n'était pas moi.
Comme la fille dans les draps blancs de l'alcôve, ça n'était pas moi non plus.

Le sexe avec Jing c'était l'image même de ma désappartenance: j'étais nue au milieu de l'immensité du monde et je ne pouvais plus rien faire. Tout ce qui restait n'était qu'un sentiment de perte, de mésidentité.
Tu ne pénètres rien quand tu pénètres une femme. Il n'y avait rien à prendre, tout avait été déjà donné.


Avec les autres se fut pareil, il n'y avait rien à tirer de moi, le lait était pourri. Il n'y eu qu'un soir d'hiver où quelqu'un d'autre a réussi à prendre quelque chose en moi de bonheur. Et puis vient le silence. C'est quelqu'un qu'on ne pouvait pas encore aimer, parce que étrangement une autre nous rattachait doucement avec son corps de soie, mon vers à moi. Mais je sais que lui j'aurais pu l'aimer, et ça, ça vous rassure, Rita? Et puis vient ce silence. Au final c'était le début de toute chose, il était comme un minuscule soleil inconnu au matin, solaire en pleine nuit. Et moi, plante d'eau vive, je m'en suis nourrie pour regagner cette autre de peau connue et reconnue, sous l'orage. Et sous l'orage, tout ce qui reste à vivre, pieds nus.

Nudité

20 juin 2009 Comments Off




Quelques éclaircies timides dans un ciel gris. La journée fut lourde et terrible, pourtant le Bonheur était là alors pourquoi être triste. Il y a quelque chose en moi qui passe, qui va et vient, je ne sais pas. J'ai hâte que la vie se termine parfois sans comprendre. Cette année inutile. Ce futur hypothétique que j'ai du mal à définir. Le couple, qu'est-ce que c'est. Le couple c'est l'allocation du risque avant tout, avec pour roues l'Amour, qui menace de crever à tout moment. C'est allocation du risque de fusion, c'est la mise aux enchères de l'espace intime, c'est la colonisation du vide par des vêtements, des stylos billes, une brosse à dents que vous ne supporterez pas, bientôt, de voir disparaître. Tout va trop vite pour moi, en moi c'est tout d'abord ce flot étrange qui apprend et savoure la solitude à peine naissante, en moi c'est encore tout ce qu'il reste à travailler, cette pierre noire secrète qu'il faut tailler et faire briller, enlever le gravier. Hors moi c'est l'hypothétique avenir qui me rend craintive et maladroite.


L'avenir me fatigue, et le passé m'épuise. Le présent est ce lit défait que je ne sais pas refaire. L'ourlet au bas du pantalon que je ne sais pas recoudre. Quelque chose reste ouvert. Si tu me prends dans tes bras ce je s'effrite parfois sur les cotés. Parviendrai-je à recoudre le petit chemin de l'espérance. Des deux chemins, emprunte le plus difficile. Le choix n'existe pas dans les sentiments, tout est décidé par avance , mécanisme sibyllin de rouages antiques, confusion babélienne. Tu habites actuellement les milles étages de mon cerveau, mais tu parles parfois la seule langue que je comprends pas. Proche de l'araméen au silence millénaire, proche de la langue des signes, des mains. Pourtant la peau est le plus sûr langage .Parfois même dans tes bras je sentais que nous nous échappions, que quelque chose filait. Ton démon dans un coin et mon démon dans l'autre: ils se détestent ces deux là, ils sont fiancés à auto-destruction et à haine de soi. Mais quelque chose à l'intérieur nous pousse à croire encore: cet idiome que je tisse à la main, ces lettres sur leur lit de papier doux et enveloppant, ces mots comme des corps liés, cette enchevêtrement de salive et d'encre. Le langage de la lecture, errance, le langage de l'écriture, nudité.

La Vie je ne sais pas

16 juin 2009 Comments Off

Rue Grenette. Les mats des gens vont et viennent, c'est le port des grandes marques et des grands apparats. Moi je n'achète plus rien, j'essaie de me convaincre que ma valeur est là, dans le creux de mes reins. La chair, par poignée, la chair. Je n'ai pas grossi pourtant: une balance a été sculptée dans le marbre du crâne, à l'arrière. Hypothalamus du gras et du glucide. Quand ça ne vas pas il faut maigrir. Je le dis de façon despotique comme je disais à Rita : avant d'être anorexique je suis tyrannique.

La
première visite à Rita fut celle classique de tout mendiant face au médium de l'inconscient: je voulais que vous me soigniez, que vous touchiez ma plaie, mes petites écrouelles cachées. Elle fronçait les sourcils à me mesure que je parlais, j'avais honte et je suais. Je disais: je suis désolée de venir, désolée de vous déranger, désolée de vous payer. Elle me répondait: vous êtes désolée de vivre aussi.

Oui. J'aimerais aussi m'excuser de mon existence alors que les autres n'existent pas. Vous savez c'est comme s'il y avait un deuil continuel en moi et que j'avais peur à nouveau de perdre ce qui reste. Ce qui est reste est à vivre a dit Rita. Mais comment vivre quand ils ne sont pas là? J'ai raconté l'histoire du fleuve sanguin, des piqûres d'hormones et de l'utérus gonflé d'embryons luisants sous l'ultrason. Je pourrais presque vous donner leur nom, et puis plus le temps passe plus ils s'incrustent en moi par le biais du couteau. Plus je veux disparaître comme ils ont disparu. Cette tache de sang dans la cuvette, ce flou déchu. Voilà mon deuil, qui ne s'en va jamais.

Parfois j'ai le souvenir de nos disputes horribles pendant lesquelles je me recroquevillais et leur ombre apparaissait en halo gris, ils me disaient: c'est novembre, c'est tous les jours novembre, Sarah, c'est comme ça. Quand ils me parlent encore dans le couloir j'ai envie de leur répondre: Vous savez je ne suis un continuel je ne sais pas. Il y a tout à apprendre et je mendie l'existence quand je vais chez Rita ma psy toute puissance.

Sous une fenêtre mansardée dans l'appartement Haussmann. Fin d'après-midi. Je lui ai dit, comme un cri: je veux construire quelque chose avec toi. Les larmes montaient dans mes paupières, parce que je sens toujours que la vie est courte, c'est quelque chose en moi qui me hâte, me tire par le bras. Dans la chambre aux étoiles, au téléphone: j'ai oublié de dire quelque chose, moi aussi. Moi aussi je veux construire avec toi. Reste cette demande, littéralement sous clavière :
Pourrions-nous exister, cette fois?

Le monde m'effraie, me dégoute et me fascine à la fois. Puis la fascination est l'embryon de tout amour, et dans cette fascination qui répugne et attire, le monde m'effraie et je l'aime à la fois. Et dans ce monde toutes les nuits tombent sur des bouches contradictoires: qui murmurent oui et qui crient non, qui soupirent toujours et qui glapissent encore. Dans toutes les nuits c'est comme ça, dans cette bouche là, et toutes les autres. Quand ce jour à tes lèvres pourrait mourir mon peut-être pudique.


Vivants placentas

3 juin 2009 Comments Off


Le bateau file dans notre nuit secrète
Et je dis Nous parce que vous êtes là
Petits esprits aux bords abruptes et froids

Corniche Kennedy

1 juin 2009 Comments Off

Marseille, le Prado.

Une nuit sans attaches dans les embruns
Vaut-elle des semaines de torpeur sous-marine, cette sirène sans cheveux?
Elle a le crâne tendre et la nuque fragile
Et puis tout est fragile au fond.
Et quel est ce monde qui s'effondre au loin?
Si nous parlions ensemble me dirais tu:
Ce n'est rien, ce n'est rien


Sur la corniche Kennedy le long des golfes gris, je dors sur les cailloux
Les amants et les mouettes, gémissent dans la nuit.

Quelque chose me dit : tu dois sauver ta peau, c'est maintenant et vite
Et quel est ce monde fantoche si immonde au loin?
Le vent chuchote mais ce n'est pas toi
C'est tout, c'est tout

Mes bras enlacent le flanc de l'air
Et puis quel est ce vide qui me surprend soudain?
Mes bras sur le flanc de la mer se referment au poing
Tu est ce rien sur Terre
Seul que je sais aimer

Midlife crisis

29 mai 2009 Comments Off


Go back to Middle Age

Fuck your midlife crisis,
Drown in your swimming pool
Chicks like skinny horses
My dollar Renaissance, suburbia royalty

Mon Culicidae

21 mai 2009 Comments Off

Elle a laissé son dard et ses grandes ailes roses
Reste un corps nu au lit enchâssé de percale
Tu sais,
c''est une histoire sans fin de faux bijoux, fausses propriétés,

Nous étions des insectes avides dans ce clos noir sans nous
Nos longues pattes étranges tremblant autours des trous

Ce soir les moustiques mangent dans cette nuit Solaire
Un paludisme chante
Que ne reste la moelle
Mon cœur le plus charnu
Je te rêve à vide j'embrasse je ne mords plus
Solide Solitude

Faire espoir

20 mai 2009 Comments Off


Guérir mais de quoi. Ce blanc de l'ongle me dit "c'était la meilleure chose à faire" et je soupire enrage meurt d'envie d'arracher. Me mutiler, me mutiler. Restreindre mon plaisir cannibale, désir désir. Tait toi. Elle aussi elle se tait. Elle est partie. Faire taire alors le désir et quel qu'il soit, félin, fait taire le désir de douleur face à ce vide intense. Je me sens démunie comme autrefois, et autrefois j'aurais préféré disparaitre à mon tour, couper cheveux et peaux, torturer et mordre. Tait toi violence. Je panse mes fourches et mes griffes naissantes, pour aimer comme on doit aimer, préserver ce qui est encore possible de préserver. Tait toi, tait toi douleur. Mes ongles meurtris pendant des années éclosent aujourd'hui dans des coins de peau comme des pétales de fleurs carnivores aux tropiques. Existence d'une vie sommaire, furtif minimum syndical d'espoir distillé au moignon, au pistil, au coeur.

Je me souviens

24 avril 2009 Comments Off



De la jeep qui roule jusqu'à Kairouan, et de Monsef qui me montre du bras la nature poussiéreuse avant la pluie. Je me souviens de l'odeur de la pluie incomparable. Je me souviens de l'odeur de menthe et de laine de mouton dans mon linge, l'odeur de générations. Je me souviens de Tunis et de la baie de mer bleue, plaie pure au bords ceints d'écume.

Je me souviens d'Oum Kalthoum le mercredi midi dans la banlieue. Oum Kalthoum qui faisait battre le sable aux tempes comme cinquante ans auparavant, qui faisait battre le sable au tentes à Lyon comme si nous n'étions plus jamais à Lyon mais dans cet antre-monde immense et transversale, dans ce temps-monde infini et décomposé nu dans la chaleur naissante de ce printemps là.

Je me souviens.

Ombres errantes, opale.

12 avril 2009 Comments Off

Il y a cette lumière

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Your end is near

29 mars 2009 Comments Off


Nous nous sommes déliées brutalement dans le creux de la nuit, et je n'aurais jamais cru possible ne plus rien désirer si vite.

Peut-être qu'il ne faut rien écrire du tout. Sinon les souvenirs les plus noirs _ les plus dérisoires_, sont les seuls dont je me souviendrai bientôt. Bientôt il fera chaud et doux dehors, mais quel temps fera-t-il en moi? Aujourd'hui, de mes os à mon cœur, c'est froid. Le collant chair frotte mes plaies, et tant qu'elles s'irritent je me souviens de ces étranges picotements qui m'accompagnaient, petits fantômes acerbes, de mois en mois, dans tous mes corps du plus maigre au plus gras. Petites croix aux couteau, petits pense-bêtes sauvages, me portent dans le métro ça brûle, c'est comme si j'avais oublié le chemin jusqu'à ma banlieue belle. A force de prises de consciences soudaines, j'ai le sentiment de me défigurer chaque semaine: d'abord mon nez saigne sur le cotés, et quand j'arrive au 278 bis, il est déjà cassé. Mais tu m'ouvres tes bras quand même, et quand il y a ton odeur je m'en veux jusqu'à la mort de t'avoir détestée sous ton toit.

Tu me fais une dorade grillée, un café, ça sent l'Italie et les oignons frits dans ce monde suspendu à mes lèvres. Tu te souviens quand je pleurais dans la cuisine parce qu'elle m'avait quittée? J'ai pris quelque années, des cernes et perdu en naïveté. Tu crois qu'à force de prendre des coups dans la vie on fini par se protéger? Tu crois que grandir, c'est savoir lever le poing, dire non,et partir? Je fini toujours par pleurer dans une cuisine, puis j'aimerais une maison. Tu ris comme si j'avais fait un souhait stupide mais j'aimerais une maison, un rempart, un creux où je puisse me sentir chez moi. Depuis que j'ai quitté la chambre verte, j'ai perdu les clefs de tous mes greniers toutes mes caves et tous mes entresols. Il reste ce rez-de-chaussé d'accueil un peu impersonnel et ce premier étage branlant qui menace de s'écrouler à chaque coup de vent. Puis tu me dis, cette maison est la tienne, et quand on sera morts, on sera toujours là, partout.

Souvent je pense au jour où vous serez enterrés, et où il ne me restera plus rien sur cette terre qu'un bout de banlieue triste et un pays asséché. Il n'y aura plus personne pour veiller sur moi, plus rien pour qui compter qu'une famille acerbe auquel je n'ai jamais parlé, et des sororités fantômatiques. Souvent je pense au jour où la solitude m'entourera, cobra d'ombres et de silences. Je mettrais des chansons napolitaines, celle où l'enfant dit à sa mère qu'elle est bien la plus belle. Et l'ombre se retirera dans un coin, aveugle pour un moment. Tu seras encore là.

Et puis plus rien ne compte. Je ne sais pas faire la différence entre ce moi qui pleure quelque chose qui devait partir, et ce moi qui espère, se bat et planifie. Je te dis que le monde est un tissu d'injustices et de pourris, mais qu'il faudra bien qu'il me fasse une place quelque part, ce système de merde et d'or. Je te dis que je ne me laisserai pas faire et je prie pour que tu m'encourages parce qu'au-delà des mots au fond je ne sais plus quoi faire. On m'a déjà mangé un bras, puis la bouche, dis moi que je suis encore jeune, dis moi que je n'ai rien perdu, dis moi que j'ai connu assez. Hier dans la nuit je regardais ma paume et la ligne de vie est courte. Tu me dis que tu veux aller à Naples visiter les musées, et aujourd'hui va donc, allons! Mon cœur et toi, la Volkswagen neuve, je nous vois déjà. Nous roulerons vite et parlerons fort, toi tu riras.

Drapés d'inexistence

28 mars 2009 Comments Off

Au détour d'une rue, je t'aperçois. Tu es blanche et sale, étrange de douceur, petit bout de drap vivant. C'est toi, toi nouvelle, nous. Cette conjugaison d'errance et de stupeur.

On ne se regarde plus dans ces reflets de lumière pâle verdâtre, moi et mes autres en dedans. Il n'y a plus de chambre de bois sombre et de lumière éclose au fond de l'horizon, tout est parti dans la Peugeot 309 et même elle, ils vont la vendre. Ma Peugeot gris bleutée luisant rue Francis de Préssensé comme un petit bourgeon rosé. J'entendais ton moteur du sixième étage le dimanche à midi, et tu avais le coffre rempli de fruits, et puis il y a eu le temps où je ne mangeais rien, tu étais toujours là et quelque chose finissait de se fissurer et l'on ne voyait rien. On ne voit jamais l'enfance qui s'en va.

Et ce deuil à l'intérieur de moi, je croyais qu'il allait partir, comme cette vie secrète tout d'un coup partagée. Il n'y a plus de matins calmes à Saint Vincent ou dans ma banlieue parfaite, parce que c'était la perfection ma banlieue. Il y avait ces immeubles des années cinquantes et ces pavillons des retraités de la SNCF, l'impasse oubliée de la municipalité, ces femmes arabes tanguant sur le bitume, navires fatigués. C'était la perfection ma banlieue, le matin elle dormait encore sur un petit ciel gris, les voitures ne s'étiraient en bas de l'immeuble, je n'avais de bâtiment art moderne en face de mon lit. Pourtant j'en ai crée des alcôves, des idéaux, des retranchements dans ce nouvel appartement qui ne m'appartiendra jamais, comme je ne m'appartiendrai pas avant un long moment.

Au 50 rue du président Edouard Herriot, je n'ai pas de propriété. Pas même qu'au fond, si on enlève la peau, la chair molle et poreuse, les veines scoubidous bleus, je n'ai pas de propriété non plus. Tout s'est reformé à l'identique: les hanches, le ventre de nullipare et les seins, vagues poires. Et dans mon intérieur, un magma de désirs enterrés et de chappelles où brillent quelques chandelles quand d'autres sont grignotées par les rats. Je devais mettre de coté, pour une raison que j'ignore, la déraison, la folie et l'impulsivité, sans quoi la jeunesse n'était rien qu'un objet à détruire par dépit. Tout au fond j'ai toujours cette jouissance de la destruction, du fil défait, du tissu déchiré, de l'ongle rongé, et dans la destruction, l'impatience de donner à l'objet une finalité. Voilà ce qui manque quand on ne croit pas. Alors au 50 rue du président Edouard Herriot, non, je n'ai pas de propriété, et cette vie secrète, c'est la peluche froissée au fond du lit. C'est cette vie secrète, que j'étreins la nuit.

Elizabeth Inselvini, je n'ose plus lui parler. De toutes façon je ne me suis pas parlée à moi même, cette année. Il fallait bien un peu être aveugle pour se sauvegarder dans cette chasse sauvage de grands projets. Mon corps s'est dévalué, mais Elle, elle lui trouve une valeur auquelle je ne crois plus. Mon corps à la Bourse aux sous-marques, au grand discount, s'habille pour l'hiver. Il y a plus de miroir, il n'y a plus de chambre verte et de douleur sournoise au matin si lancinante. Je ne savais pas que c'était le début, que le tunnel était long, qu'il fallait rouler longtemps. Avec le recul, je n'aurais pas pu savoir, il valait mieux que je ne sache pas. Au final ce que je pleurais, c'est ce qui devais partir, absolument. L'enfance me disait qu'elle devait partir. Absolument. Nuages ou pas, elle avait des pneus neige, c'est moi qui lui les ai donné, à force d'instruction, de prise de conscience, de sexualité. Alors le deuil, il est là? Pourtant on est dans la Presqu'île, les quartiers chics et historiques, on est dans l'inéspéré: la cautérisation alimentaire, le partage, l'apprentissage de tout ce que seule je ne savais pas faire: vivre avec quelqu'un d'autre, sa chaleur, son froid. Et vivre avec moi-même, ça, il n'y pas si longtemps, je n'espérais pas.

Nous avons accroché des étoiles fluorescentes à l'alcôve bleu sombre. Je sais que je regretterai ces murs et ce plafond. Je sais que je suis née sans savoir aimer le présent, pour chercher à le détruire dans cet espoir occulte qu'il s'en aille plus vite, laisse place au monde de tous les possibles, me fasse tenter l'impossible. Et ce présent détruit revêt des habits noirs et se concentre. L'encre est là puis la main, le prolongement, le trait. Et que faire de ce deuil? Je croyais que tu étais parti et puis tu es là, plaie de tique plantée; je croyais qu'il allait partir mais j'ai une partie de moi enflée. Quelqu'un vient panser le difforme mais ça ne suffit pas: je fais des rêves où je suis obèse et où je me charcute parce que je préfère mourir que d'être grosse. Je fais des rêves où tu me laisses à un passeur pour une caisse de rouge. Je fais des rêves où la chambre verte est toujours là. Et même la chambre jaune, aux feuilles délicates. Même le bois de pastel clair, même le petit lit simple. Tout est là, la voix de ma mère, dans laquelle je reconnais à la fois le bruit des clefs, des talons, des chansons napolitaines.

Je me souviens, je disais "c'est étrange personne n'est mort et pourtant c'est tout comme." Puis au détour d'une rue, je t'aperçois. Petit reflet de draperie, de nappe de salon dans laquelle je me niche sous la table, prend un coin le frotte contre ma joue, m'endors. Quelque soit le tourbillon, aggriper le pied d'une chaise en merisier massif et se sentir hors d'atteinte. Les étoiles fluorescentes se sont décollées et ont échoué pour certaines sur un corps ou un couvre-lit, pressées de dire "ce n'est pas par ici l'avenir". Plus rien ne brille. Je suis désormais stagiaire dans une agence en crise, cette crue millénale d'euros dévalués, mon diplome ne vaut plus un kopek, et le printemps semble inaccessible. La ville centre m'enserre tellement que les saisons se ressemblent, toutes faites de béton et de grands magasins. Le soleil presque artificiel s'invite timidement dans le lit au petit matin. Seul moment de répit, ce silence précaire en début de semaine vers huit heures du matin.

Fin décembre une douleur sourde et inhabituelle a pris possession de mon coté gauche et je pissais du sang à trois heures du matin. C'était la veille du 31 décembre, il n'y avait pas un chat sur le pont lafayette quand je cherchais un médecin et pendant ce temps là une bacterie étrange mangeait doucement mon rein. Il y avait quelque chose de psychique dans cette douleur, au sens où elle était toujours là même quand je ne sentais plus rien. Elle laissait une impression de vide abyssal en bas du dos, de traces résiduelles d'épines et de peaux arachées, puis surtout ce grand trou, sensation de déséquilibre d'un bout à l'autre de ma cage thoracique. Je passais trois semaines de petite fièvre et de fatigue intense où le sommeil ne réalisait rien. C'est après l'infection, quand tout est parti, que je sentais l'écho. Elle me rappelait cette main dans la nuit déplaçant les aiguilles sur les poupées vaudous. Je sais maintenant qu'ici près des lombaires, ce niche ma stigmate de vie secrète, plaie jamais refermée. Il s'agit de l'ouvrir _fruit mur._, l'ouvrir, coque molle sur le papier.