Archive for 2007

Knife party

30 décembre 2007 Comments Off

C'est surement le seul endroit sur terre où je voudrais être.
A cheval sur un parpin de pierre grise, les jambes pendantes dans le vide.

Au dessus le ciel, au delà. C'est surement le premier endroit où j'aurais dû être encore. Rester, rester dans tes bras contre un tapis, rester dans tes jupes longues dans ton odeur de coriandre, de mère qui n'est pas la mienne. M'immerger au fond de la vieillesse. Sentir des rides se tracer dans mon cou. Cette mémoire soudaine qui m'envahi, cette mémoire immémoriale qui me met au défi de savoir qui j'étais, et qui je pourrais être à nouveau.

C'est surement le dernier jour ici. L'obscurantisme ne me va pas. Il n'y aura aucun départ dans l'aube, aucun regret. Je me souviens de cette tête qui tourne doucement à trois quart et t'aperçois, ombre fantomatique d'un autre âge au dessus des maisons. Peut-être que c'était une autre. Il y a une interrogation qui revient chaque fois. A savoir, me demander vraiment: nous reverrons-nous? Tu pleures salé contre moi. La nuit est comme toujours gelée même en été. Nous reverrons nous, vraiment.

Je n'ai pas parlé de Tunis avec Inselvini. La seule personne a qui j'ai parlé de Tunis, encore et encore, sur toutes les tables de café, dans tous les lieux, c'était Jing. Elle est partie quand dans ma bêtise, j'ai renoncé à moi pour une autre, sans jamais lui donner de nouvelles.

Saint Vincent de Paul est givrée, un soleil pâle vient tirer sur le jaune un ocre déjà passé. Et sur cette route, de Vienne je dis "tu te rends compte, on m'a proposé d'aller à Budapest, et j'ai refusé." L'année qui arrive n'est-ce qu'une jachère? Si j'ai envie de taire certaines parties, que diriez vous Enselvini? Que répondriez vous à "Le silence, c'est l'oubli."

C'est la dernière fois que je viens ici. L'obscurantisme ne me va pas. Chaque sentiment se peint dans la lumière ou ne se dit pas. Saint Vincent est un jardin calme, chaque pied dehors un cri sournoi. Et ces fêtes de Noel, du plaisir que l'on attend pas. Pourquoi ne voulez vous pas le faire, vous. Vous démettre un bras et le remettre élégament. On ne peut jamais être assez élégant pour la réalité subite des choses. La violence, les gifles des jours, les griffes des amances. Le silence, c'est le creuset, le puits.

Les Sordides

27 décembre 2007 Comments Off

Un jour. L'amour était tout près, bête tapie dans l’ombre. Ma robe trempait dans le lac, elle cherchait à lécher cet ourlet humide en rêve. Ma main pendait le long de mon corps, je n’avais pas conscience qu’on voulait l’attraper. La garder.

Le souvenir des étreintes passées m’apparaît comme une monstruosité étrange. Certaines parties du parc sont des fragments de douleur où la souffrance n'à d'égale que sa pureté odieusement chevaleresque. Le Moyen-âge est mort. La robe est souillée de terre et de fluides autant salés qu’amers.

Le Moyen-âge est mort je te dis.
Ne prie plus jamais les icônes, n’adore plus jamais quelqu’un d’autre que moi.
Ne prononce plus jamais mon nom.

J’ai aimé de façon religieuse et antique, comme si le sentiment protégeait. J’ai pris l’écriture pour celle qui faisait le miracle et gravé des incantations comme un fou au tombeau gratte les murs avec sa sangle. Le temps ne se métamorphose pas. Il nous auréole et s’en va. Ensuite il faut affronter cette solitude abrupte qui s'abat. N'ayez pas peur qu'elle vous brise les os. Elle vous leurre, alors vous croyez _ qui peut combattre ça ? _ Vous croyez donc. Et la foi est une grande faiblesse.

Je pensais m'être préparé à la fin d’un monde. J'avais décroché mes espoirs, un à un, de la voûte du ciel. A Kairouan trois mosquées chantaient leur appel. J’ai pensé avec véhémence: je ne crois plus ! Ni en Dieu ni en toi. Puis viens cette mélancolie universelle. Bien sur que je me suis mentie. Et quel amour, quelle fascination morbide. L’amour et la religion sont morbides. Il y a une part sombre, sexuelle et sanglante. L’épaule transpercée par une lance, les flèches pleuvant sur le martyre amoureux, les apôtres dévorés par les tigres, l’ongle qui s’enfonce au dos, les chairs excitées et rouges, ce sexe qui traverse, la crucifixion, la couronne d’épine, puis celle que l’on dépose aux pieds. Les fleurs que l’on offre pour se faire pardonner. Bien sur que j’ai aimé, avec ce dégoût face au corps qui verse et se déverse, horrifié de sa propre constitution, de son acharnement à chercher le plaisir. Horrifié de ne pas pouvoir arrêter de ressentir. Etonné de se voir continuer à aimer et souffrir, au point de vouloir tout anéantir.

Les saisons se sont tellement mélangé qu'un flou envahi l'eau. La brume rampe sur les dalles de l’île, on cherche à la dissiper d’une main morte en vain. C’est l’oubli peint sur la robe jetée au lac. Oui, cet enfant c'est moi, rejeté du lac à la mer, l'écume pendante aux lèvres. Je n’ai pas encore vécu, dit-elle. Mon corps est ce bavoir immense, mes seins n'existent plus. Puis en face. Sur la plage. Il y a ce jumeau dont les pupilles brillent d'un éclat d'or pur au regard vide. Sa richesse est à d’autres, ou à lui-même, il ne donne ni montre cette fortune secrète sous ses cils de soie. Assis sur un rocher le vent bat ses cheveux. Je me souviens très bien de leur finesse étrange. Ce corps était refuge. On l’atteint par un escalier étroit, une porte dérobée. Un violoncelle est au milieu, personne ne joue. Il attend celui qui saura manier l’archet depuis des années. Les os de poignets de ceux qui se sont trompés gisent au sol. Une enfant au bord de l'âge adulte, pâle et dégingandée, est dos contre le mur. Dans ce temple des oubliés, être clos c’est être ouvert au monde. Il n’y avait ni nature, ni immensité. Un roi fainéant gisait sur son trône, au fond, près d'une cheminée. C'était l'automne, on le devinait. La pièce se teignait d'ocre et d'incarnat. Il n’y avait plus aucune cime où grimper, aucun sommet pour croire. Aucun dieu de montagne à prier.

Doisneau is dead

22 décembre 2007 Comments Off

Pourquoi est-ce qu'on reste autant, à ce point, immergé dans l'auparavant?

Traverser le pont de l'Université dans ce froid qui me griffe. L'eau en bas est grise et calme. Un jour de 1954 le fleuve avait gelé. La neige fusait de façon fulgurante, on amenait une voiture en bas, ses roues imprimaient des sillons, on avait peur que tout se brise. On avait peur mais on se balançait quand même.

Les jours se succèdent. Héritage ingrat.
Cinquante ans plus tard l'hopital de la santé porte encore les stigmates des années noires. Lamantia disait que les cris des suppliciés et les chants de la rose blanche venaient aux oreilles de qui cherchait à les entendre, si on écoutait bien. Nous passons nos soirées au café associatif dans lequel Fang Zhen faisait des projections de neo art chinois. Pourtant loin est le temps où nous buvions des bières Jing et moi. Ici c'est petit noir sans sucre et faiblesse internationnale. Nous tenons des conciles inutiles je fais semblant d'être vive et d'avoir de l'espoir. Tout n'est pas perdu, il reste la perspective de fuite mais Noel est orgiaque, je deviens jolie à nouveau mais Carrier avait raison tout cela est bien traitre. Loin d'être déformée je garde l'informité qui me plait.

Over the weepin' Bay

21 décembre 2007 Comments Off

Finalement elle s'appelle Inselvini. C'est dit voilà je me suis trompée. "Il faut bien que vous deveniez faillible un jour. Puisque vous demandez trop à vous-même." Est-ce que je dois faire une liste de ce que je ne m'autorise pas. En tête viendrait l'échec, elle souligne ça aussi. Je parle peu aujourd'hui. La semaine était belle dans son écrin de givre et de petites réussites. Je suis fatiguée de devoir chercher chaque jour ce qui fera la beauté du prochain au risque de me sentir perdue lorsqu'il n'y a rien.
"Il y a quelque chose de vide quelque part" Cioran cité cette semaine dans un café. Pourquoi quelque chose plutôt que rien. Et bien rien tiens, je le dis il n'y a rien. Inselvini sourit. Elle me rassure. J'ai envie de pleurer, c'est pas soudain ça commence dès l'escalier de bois étroit, au dessus de ces pièces qui résonnent. Du bureaux des consultations externes de Saint-Vincent on ne voit ni le parc ni la cour intérieure aux coursives blanches. On pourrait faire salon si vous n'appuyez pas de partout sur ce qui fait mal, si on ne construisait déconstruisait faisait s'écrouler changeait si l'on ne répandait pas des mondes entre eux. Construire et puis Détruire, dit-elle.
Quand vous m'aviez prévenue de ce qui m'attendait, j'avais eu du mal à vous croire. Dans le tramway j'ai alors eu une pensée soudaine: L'automne est parti c'est définitif et provisoire. Les arbres sont nus grands morts déguingandés. Est-ce que je suis nouvelle? Faire corps c'est faire face. Je préferais l'amnésie et la maigreur, je préferais les pronostics vitaux. Aimer fort c'est vivre vite, Romain. Quand on s'arrête une lenteur reprend le dessus et non vraiment, l'amnésie c'était bien. Ne plus me souvenir des noms des stations, des anciennes guerres, ne plus me souvenirs des prénoms. Implacabilité du miroir. Les cuisses, l'intégralité. Focalisation sur l'apparence, paranoia. Pourquoi est-ce que je tiens tant à parâitre et ne pas être. Qu'est-ce qui me fait honte en moi? La féminité me rend mal, les seins me donnent la nausée, les chairs et les étreintes. Ce matin j'ai repensé à ce que j'avais pu faire, dans l'extrémité des choses, ces égarrements les plus intimes, et j'ai douté de leur réalité. Suis-je vraiment allée aussi loin dans le don et l'oubli, suis-je allée aussi loin dans le bonheur? Je ne me souviens pas avoir joui. Est-ce cette trace de dégoût, et d'ouverture minuscule en mon crâne qui se fend comme une poire délivre un suc noir, est-ce ça la mémoire. Je fixe Inselvini, ses bottes en cuir qui brillent. Pourquoi faut-il que chaque jour soit exceptionnel. Il y a du calme et de la serenité dans le banal, l'anodin. C'est bien le charme des vies secrètes. Puis nous marchons. Je sors de Saint-Vincent en pleurant, parce qu'elle ouvre au couteau des petites coques de fruits mûrs. La tristesse est à point. Bus 12 route de Vienne. Le soleil me perce mon reflet me déplait de toute façon quoique je fasse, je ne me dis plus rien. Rire sarcastique. Est-ce que je ne me parlais pas plutôt à moi même en lui disant "avant d'aimer il faut s'aimer soi-même." Trompeuses apparences. Tous les malaises sont ambigus et cachés. A cette époque déjà je commençais à refuser de manger. L'existence n'est pas un caprice pourtant, si elle en était un tout le monde aurait son jouet.
Nous bavardons jusqu'à ce qu'elle appuie. "Vous l'avez vécu comment d'être enfant unique?" Vous savez amener là où ça fait mal. Où ça fait le plus mal peut-être. Nous parlons solitude et chantages affectifs parentaux. Nous parlons de ma mère, cet imbroglio de proximité haineuse et de fusion amère. "Tot ou tard, il aurait fallu entamer une psychanalyse. Il y a trop d'amour dans votre cas." Je sais que c'est possible d'aimer trop. On parle des grossesses indésirées, on ne parle jamais de celui qui est attendu, de celui qui est la réponse et le porte drapeau des sensibilités. Comment ne pas se sentir investi d'une mission quasi divine. Comment échapper à la tyrannie quand vingt ans de regards sont sur vous. Vous, prodige faux, oedipe roi, donneur de leçon. J'ai envie de pleurer, je le dis. Je dis c'est pas possible, j'ai vraiment envie de pleurer là. "Qu'est-ce qui vous en empêche." Ca s'embrouille. Oedipe roi donc, Vous, vous à tous les âges et votre tablée qui vous écoute, Cène moderne et familiale. Le seul traitre c'est le temps, et ce qui se prépare en vous et qui dévastera tout méthodiquement. Que cherchez vous en attendant? Dans cette enveloppe, cet esprit fluctuant, ce corps qui se veut changeant. Rompre avec le Temps. Grandir c'est divorcer avec soit-même. Un foetus sur le bord de la route. Vous le vivez comme ça, de façon incisive. Et ensuite quand vous avez mal vous allez chercher la renaissance. C'est tellement biblique comme souffrance. Inselvini sourit. Ca se voit à travers les cils et deux larmes. "Pourtant vous n'êtes pas nouvelle, il reste des choses immuables en vous, et heureusement".

Don't expect to feel

18 décembre 2007 Comments Off

Mystification des jours d'examens. Elle est venue, et étrangement, elle a guéri ce quelque part qui ne savait où aller. Ainsi la prise de conscience avait les yeux délicats, elle pourrait même porter le nom de la Delicatesse avec cette tradition de mains fines et de silence fievreux. Est-ce que c'est elle qui a guéri ou est-ce que je me suis guérie, seule, en affrontant le précipice qui me séparait du vide, en acceptant de remplir mon temps comme arrêter de dénaturer mes vicères, tuyaux moelleux et chauds dans l'hiver. La chair me dégoûte toujours autant pourtant, et le sang ne vient plus. Ce ventre qui me laissait tordue dans mon sommeil et cette fécondité rouge. Elle laisse la lune recouvrir chaque bout de peau rose d'un plâtre blanc. Enselvini dit que tout est lié au désir latent de devenir infant. Une question me vient à l'esprit. Est-ce que j'ai déjà été femme. On devient femme par la jouissance. C'est se donner, obtenir le plaisir. Et il y a quelques jours, l'Opale dans mon lit, j'étais une enfant nue recouverte d'un linceul verdoyant qui dormait en foetus le corps donné au mur. Ne plus être femme donc, Enselvini souligne: rien de plus rassurant.
Au fond de jours glacés. Le tramway parcours le pont d'Université baigné de lumière. Je me rend compte que je préfere l'aube au crépuscule. Les aurores me délivrent, les nuits m'angoissent et me submergent. Elle sont franches et acerbes. Elles sont comme celles où l'on voyait les toits se détacher dans les étoiles, le verre à la main. P. a raison dans tout ça: nous dépendons des lieux encore plus que de nos proches. Et je prie pour qu'il ai tort, pour qu'il n'y ai pas qu'une tentative d'aimer _ car je n'ai aimé qu'une fois, c'est vrai, Elizabeth, attachez moi au divan si je mens _.
Donc, je prie pour qu'il y ai plusieurs tentatives d'aimer. Et pour que j'échoue encore, cent fois, mille fois plus qu'auparavant.
Saint Vincent de Paul, hopital de nuit.
Une cigarette dans le noir brille. Mes livres sont tombés dans l'étang _ou je l'ai fait exprès.
J'essaie de rattrapper six mois de vie perdus où l'amnésie cottoie le dénuement. Nous sommes en décembre, et qu'ai-je fait auparavant. N'ai je montré depuis des années qu'un visage de faiblesse. Dans une impulsion soudaine j'ai donné mes plus précieux à l'Opale, leg folâtre. Romain s'est énervé en voyant qu'il ne pouvait avoir aucun rôle dans cette pièce, qu'il y avait rideau rouge entre nous: il est représentant d'un passé que veux démolir. Dans mon enveloppe nouvelle, ce corps, en cours de réfection, j'ai vidé les placards de tout un pan de vie, jeté mon âme au fleuve. On me prescrit des massages, histoire de te réconcilier. Est-ce que je suis fâchée avec moi, vraiment?
J'ai repris le poids perdu, j'ai rempli le contrat de territoires. Je ne suis pas une fille nouvelle pourtant. Mais j'ai des nouvelles locations, nouvelles coalitions, nouveaux noms aux lèvres. Vois-tu Elizabeth, je n'ai aimé qu'une fois, ça ne m'a pas réussi. Peut-on se détacher de soi-même et courir. Se renouveller autant _ assez_ au point d'oublier qu'on a souhaité ardemment s'arrêter quelque part, seul.
N'importe où mais seul.
Qu'on le souhaitait si fort, si intensément.

Vie Secrète II

11 décembre 2007 Comments Off

L'Opale était dans mon lit. Amas de cheveux doux et longs.
Rousseur indéfinie.
Depuis quand mon corps entier est devenu à l'image de mes mains

Gelé et minuscule.
Quand est-ce que je me suis tarie et tue.

Vie Secrète I

8 décembre 2007 Comments Off

St Vincent de Paul. Le 8 decembre.
Huis clos magique. Les illuminations dans un coin.
Elisabeth Enselvini est d'une beauté inadequate avec le lieu
Silencieux et morbide.

Quinze heures. Mon besoin de toute puissance incontestable est souligné.
Je note, méthodiquement ce que j'ai mangé, puis me laisse embrouiller.
C'est la fête, Noel nous anéantira tous.

Enselvini m'instruit à écrire par thérapie. Je lui dis ça ne marche pas vous voyez ça bloque entre les côtes et sur les côtés. Je m'insupporte de partout, au stylo c'est pareil. Des phrases se suivent sans queue ni tête. J'ai le corps plein, l'appel du sucre est monstrueux et les peines restent dans la nourriture, incarnations du malin.
Est-ce que Saint Nizier est belle car la clinique est un chateau de sel jaune, des oiseaux vont et viennent. Enselvini suppose "peut-être que vous demandez trop alors, vous n'avez jamais été heureuse." C'est faux. Je me souviens l'avoir été, c'est même une incisive limpidité.

Ca n'est pas arrivé d'un coup, cette cessation. J'ai pris lentement racine dans une terre incarnat où être en représentation était plus important qu'avouer être moi-même. Ensuite je ne sais pas pourquoi, le plaisir fut mis au ban. Les habitudes se prennent vite, et perdre le pli n'est pas inné. La privation dans l'abondance, la science de la dérobade, l'art du mensonge, l'amertume de l'absence, le laisser aller et l'abstinence. Dans cet amas doit bien transparaître au détour d'un mot la nature des choses.
Au fond le monde n'est que douanes vitales, barbelés, culpabilité.

"Vous avez ce besoin de vous sentir coupable." Il faut bien matérialiser le problème, d'une façon ou d'une autre. Enselvini (à moins que ce ne soit Inselvini et que ce E. rajouté ne soit d'un subterfuge faisant écho à l'initiale d'une sombre initiatrice) parle avec une désinvolture qui découd l'angoisse. Coupable je ne sais pas, c'est tellement judeo chretien. Et coupable de quoi. De ne plus être heureuse, de vivre avec ce sentiment d'avoir tout perdu à la loterie universelle? D'autres n'ont jamais rien gagné après tout. Après tout j'ai été peintre de tableaux remarquables. Amasser la mémoire comme d'autre les richesses. Faire du souvenir un or noir, carburant des sensibilités naives mais pas tant légères. La jeunesse sait être grave et angoissée. Elizabeth, même prénom que ma tante, sache que certains jours me paraissent longs et décuplés. Des fois je mange normalement mais si je n'ai pas mal au ventre j'aurais mal autre part. C'est souvent l'autre part, à cheval entre l'irraison et les images de ce qu'on veut oublier, qui vont amener mes doigts à toucher mon palais. Dieu merci l'hémétophobie vient sauver tout ça. Je reste le dos au carrelage, pleine comme une outre et plus coupable qu'un patricide. Ce creux de gras ingéré, pas encore digéré. Il va falloir qu'il passe, que je me survive encore longtemps car soyons vrai Romain tu as raison, je n'ai aucune envie de guérir. Plus la maladie s'installe plus elle rassure, englobe, anesthésie doucement.

L'Hotel Dieu dans la nuit, son petit jardin blanc.
C'est dimanche, les boutiques étaient ouvertes la ville avait les cuisses moites et tremblantes. Lumière avant rideau. Je serre dans mes bras quelque chose oublié, sur le quais. Je n'avais pas approché la délicatesse depuis, happée par les mise en demeures et les possessions mâles et maladroites. L'Opale triture un bout de moi dans cette gare bondée. Je lui laisse ma bague lybienne, épaisse. Auparavant elle ne quittait mon index droit, égo lourd argenté. Puis, elle ne traine plus sur aucune table de nuit, il n'y a plus de nuité, il n'y a que le jour qui transperse tout sans repos et sans loi. Il vaut mieux tout léguer. Je lui donne ma bague et j'enlève un poids. Elle a laissé une écharpe venue d'Inde qui ressemble à s'y méprendre à ce tissu berbère fait main que les Yeux Jaunes avait au cou il y a quelques années. Mais celui là est doux, féminin odorant. Il vient couvrir cette blessure, ce démenti à moi-même qui presse dans le soir: je ne suis prête à rien, sauvegarde maintenant.
Toutes ces lumières précieuses s'infléchissent et dansent
Mais n'apaisent que les yeux.
Le plaisir de vivre s'attise mais il n'y a pas de feu.

Little boxes

7 décembre 2007 Comments Off

Ils prendront tout si je persiste.
C'est là que je me rends compte que je n'ai pas tout perdu. Il reste encore des matérialités. Ils prendront la musique, ils ne laisseront rien. Ni les photos, ni les feuillets. Ni le parfum ni les carnets.

A méditer.
Tout ça c'est la carotte du docteur Carrier.

Il faudra dire au revoir aux parents, dépasser cette porte. Elle se referme après signature, on lègue son corps à Saint vincent, science d'une faiblesse qui ne s'écrie, se crie pas assez.
Pendant trois longs mois Lyon sera dans une fenêtre, à l'intérieur de ce carré ma chambre, et le parc boisé. De quoi me rendre dingue ou me sauver. Les premières semaines il n'y a droit à rien, seulement une clope et les heures longues à attendre que le soleil se couche, se lève, une lune quelque part, un mur blanc sans fenêtre si on a pas de chance. Si on a pas de chance, des cris, de l'autre coté du couloir. C'est Saint Vincent à l'aube qui est à voir, à sentir. Si on respecte le contrat les plaisirs se lancent un par un, victoires de victimes.

Enselvini: "C'est le fait d'être enfermée qui vous fait peur?"
Parfois je me demande si ce serait pas mieux que la psychanalyse. Est-qu'avoir un intécedant psychiatrique n'est pas autant rédhibitoire pour mon avenir qu'un daltonien pilote de chasse. Est-ce que choisir la difficulté tout de suite permettrait de corriger les erreurs qui s'insinuent et creusent ces tranchées secrètes.
Est-ce que mettre les mots sur le mal fait bouger les choses. Dr C. dit qu'il n'y a pas d'urgence, la guérison est lente. J'ai trop mangé je le dis chaque jour, je me gave et m'engraisse. Se peut-il que le stress.
Je regarde, cherche à lire dans l'oeil de l'autre en face, du miroir, de l'inconnu: tu me trouves maigre toi? Mais regarde les cuisses, la chair là, regarde moi ça. Amas informe, infirmité du désir roulé en boule de graisse. Melissa se dédit: "on voit ta colone vertébrale dans ton dos, c'est seulement surprenant, on dirait un reptile osseux, vraiment."

Je me souviens, Romain, je t'assure, je me souvien avoir été jolie. J'avais des jambes bien faites, un buste plutôt long, un petit ventre doux, des épaules arrondies, une poitrine tendue. "Chaque fois je cherche le coupable, et à chaque fois je me rends compte que c'est toi, toi la victime et toi la faiblesse assassine." On fait quoi dans ce cas? Je me puni assez pour dire: voilà, je me suis vengé de moi-même. Mais ça ne suffit pas.
"Caractérisez-vous."
Anguleuse, vois-tu, jusqu'à la maladresse.

Rotten things altogether

29 novembre 2007 Comments Off


Plusieurs questions se balladent dans mon crâne, artefacts inutiles, comme je me sens inutile à présent. Est-ce que ça sera long. Est-ce que le vent qui souffle pourrait m'empecher de penser. Est-ce que nous sommes des animaux à ce point. Mon ventre me fait mal. C'est intense. Est-ce que la superficialité peut résoudre quelque chose. Je suis devenue méthodique à faire peur, à ranger, plier, classer, archiver ma vie comme si c'était un dernier article. Est-ce que c'est ça, se préparer méthodiquement à la mort.J'ai la conscience extrême de mon estomac qui se ballade, electron libre entre mes côtes. Est-ce que je vais souffrir encore.

Le Carnet était en cuir de chez Fortnum & Mason.

22 septembre 2007 Comments Off

Tout d'abord il faudra oublier tout, jusqu'à ton écriture. Quarante huit kilos de regrets s'installent doucement à la place de ma peau. Je ne sais pas depuis combien de temps.