Archive for février 2008

The Wrong samaritan

12 février 2008 Comments Off

photo: Battle Axe - Aeren

Elle vivotte en apparence, elle vit bien au fond, l'âme est vivace le coeur est noir. Sous fond de dépendance et d'alcool elle dit négligeament qu'elle a trouvé la veine, qu'il faut éviter de se faire piéger par l'hopital, elle considère la psychiatrie comme une arme. Pas besoin de couper pour s'enfoncer, on peut aussi arrêter de manger. Après le téléphone, j'allume une cigarette avec la blonde, au dessus de l'étang. Une boite de lysanxia traine derrière, je lui reproche d'avoir changé mais je me demande qui gagne au concours des déchéances. Peut-être Alexis dans sa tombe. Il remporte tout, lui qui m'avait si bien dit "tu finiras par t'en vouloir de l'avoir aimée à ce point" Voilà, c'est à ce point dans cette foutue lumière du jamais plus et dans cette putain de dernière fois. Je t'aime bien tu sais. Mais moi j'aime très mal en général, si tu savais. Je palpe mes os de clavicule en parlant pour me donner de l'assurance, je ne tolère que les amants de moins de six heures, je déteste les femmes qui me rappellent que je n'en suis pas une, les femmes qui ont les cheveux longs, les femmes à bottes, les hommes virils, les sexes forts, les odeurs de viande. J'aime très mal la vie en général.

Plus que trois jours avant Saint-Vincent de Paul. Je compte les heures vers le retour plus que jamais. Tu sais, j'aime encore celle que tu étais, je ne ressens plus rien envers celle que tu es devenue. _Enfant miteuse et ange mitrailleur_. Par ailleurs, on pourrait objecter qu'elle non plus. Je tairais ce week end atroce à Enselvini. Elle attend ma venue avec une impatience sadique, pour savoir si j'ai réussi son examen psychique de remanger de tout en deux semaines. Et là, regarde moi bien Elizabeth, je suis nue complètement nue devant toi plus un bijou plus un bas. Deux semaines plus tard je remange trois repas sans trier sur le volet. Le jour où cette fille semi maudite est revenue j'ai trainé une belle blonde au restaurant comme je m'étais envoyée en l'air le soir de son anniversaire. Regarde moi, de mes jambes à ma bouche, Elizabeth. Je suis major de ma promo avec un record d'absences inégalé et je pars pour la Sorbonne.

Une bouffée, trois bouffées. Je réussis toujours, tout. Jusqu'à m'anéantir. Tu objecteras que je ne suis pas sortie de la Représentation. Je te dirais c'est faux, je pleure désormais, je pleure et je me blesse toujours au même endroit. Parce que le ventre est une matrice étrange et inutile pour une enfant ça tu l'as dit toi-même. Parce qu'il faut bien altérer l'image d'une autre manière si déloger la chair n'est plus d'actualité. Et ça je te le jure _ sur ma mère tiens _ je ne te le dirais pas. Ainsi, j'ai réussi ton test au début et tout raté sur la fin, je me remet à fumer et à tourner en rond le matin pour ne pas rendre le petit déjeuner. Les journées se passent mal, je pense à émigrer. On m'objecte que c'est un délit de fuite, et que celui qui n'a jamais eu envie de partir me jette la première pierre! Quand toutes les rues font mal, que la cité n'est plus qu'une rangée de batiments plus ou moins connus, sélective et squelettique, que faire? Je fais des études d'urbanisme dans une ville qui me rend maladive et mélancolique à toute les portes, toutes les péniches. Que faire dans ce cas?

La blonde écrase sa cigarette sur une carte postale du Nil.

"Bientôt tout sera fini, ce n'est qu'une question de mois et de douloureux apprentissage encore, toujours. Laisse les amants dans ton lit pour une nuit de plus de six heures, embrasse une trentenaire au cheveux longs, laisse la prendre la chaine entre tes seins, en regarder la colombe et dire : c'est un symbole de liberté. Un jour quelqu'un s'est écrié que la vie est longue et il aurait fallu le croire. Ne te demande plus les reins contre le mur et le ventre plein: pourquoi. La dernière fois Inselvini t'a dit "j'ai envie de vous mettre une gifle" elle en avait les larmes les yeux, parce qu'à vingt ans cinquante kilo la vie doit être belle ne serait-ce que par décence envers ceux qui dépassent le quota. Où est cette fille sur la photo le corps alangui sur du cuir qui regarde l'objectif, où est le demi sourire mutin, où est celle qui disait au monde qu'elle allait tout raffler et n'avait peur de rien. La seule chose que tu as remporté cette année c'est toi même _c'est si peu et beaucoup _ mais soit en fière."

Je me suis rassise et demandé si en écrivant pour reposer les yeux de quelqu'un j'allais du bon ou du mauvais coté du chemin.

Le jour où l'on décide de me démanteler

10 février 2008 Comments Off

Saint-Vincent était froid, Inselvini cinglante, je ne m’y attendais pas. Le vent a tourné par surprise, peut-être qu’elle l’avait prévu, je ne sais pas. Je regrette immédiatement d’être venue en pantalon. Vous auriez pu voir ce corps qui se renouvelle, je vous jure que je renverse le tyran en moi, Elizabeth, je me décriminalise, ne dites pas que je n’y arrive pas. Les apparences ne prennent pas. « Cessez d’intellectualiser nos séances. Vous me trompez, vous vous trompez vous-même » Si vous cessiez de m’ériger en despotique enfantine qui boude ses assiettes, peut-être que je le ferais. Je ne te trompe pas Elizabeth, je suis même trop fidèle à ton étiquette de violent épicurisme qui au final me donne des nuits blanches le dos contre le carrelage à m’empêcher de faire vomir et haïr mes parents. Les gourmands sont des esclaves autant que moi, après tout. Cet autoritarisme soudain ne me plait pas. Elle dit que maintenant il faut changer, il faut appliquer ce qui est jusque là intellectuel et au fond désobéissant. Ma peau se floute d’un coup. Je me suis symboliquement multipliée par deux en quelques mois, j’ai retrouvé un poids normal, mais qui êtes vous au juste ici, au milieu de cette pièce étrange, mi salon mi guillotine, pour me dire. J’ai adopté dix mille alimentations dix mille jeûnes, et je sais maintenant que le corps se raidit vers ce qui ne vient jamais, c’est une main tendue en vain. La restriction était mieux après tout sans me remplir je ne ressentais rien. On souligne mon changement de partout, les apparences sont admirables. J’ai retrouvé une photo de moi sur le journal où mon voisin pensait que j’étais gravement malade. Il avait sans doute raison. Pourtant la maigreur ne m’a jamais parue édifiante, et je ne me suis jamais vu maigre. Je n’ai jamais été assez maigre pour. Pour arriver à quoi en vérité. Il faut bien mettre les mots sur les choses, je n’ai jamais été assez maigre pour me tuer.

Un Samedi familial. Parfois nous avons ce besoin de nous retrouver comme deux quidams les mains jointes par du sang bouilli : le père, et ce qu’il reste de la fille. Ainsi nous voilà roulant sous un crépuscule rose fatalement nataliste. La plaine de l’Est est printanière aujourd’hui et la serveuse du bar est jolie. Est-ce que je revis, soudainement ? Peut-être que vous avez vos raisons Inselvini, il ne faudrait pas venir devant Carrier les bras décharnés à nouveau. Mais que fait-on alors car le reste est toujours aussi vacant, l’intérieur est toujours aussi boiteux et souffrant, tu me dis que je suis belle mais ma beauté me démange j’aime m’enlaidir maigrir et ne plus plaire, séduire me dérange. Je ne suis pas une femme tu as raison Elizabeth. Je te disais : « être enceinte, je n’exclus pas, je trouve juste ça étrange. » Elle répond presqu’en souriant : ça vous reste extra ordinaire puisqu’aucun enfant n’enfante. Je suis sortie de Saint-Vincent la rage au ventre. Vas-tu m’apprendre la vie encore ? Elle me demande de remanger normalement parce qu’elle me le demande. Il faut bien revivre par soi même n’est-ce pas, il faut bien faire ces efforts dont tu parlais et qu’au fond je n’ai encore jamais faits. Rester forte c’est beau à dire. Comment te dire qu’en vérité j’ai cette peur intense de me remplir et d’y rester, qu’en quarante cinq minutes je ne peux pas te dire tous les rêves que je fais ni la fatigue qui me prend à la gorge tous les matins. Dis-moi Elizabeth, est-ce le printemps ou l’hiver qui revient ? Je ne resterais pas à Lyon. De partout elle me blesse et me rappelle à l’ordre, tu comprends. On ne peut pas être heureux dans les mêmes lieux de la même façon.

Layali El Ounsi Fi Vienna

2 février 2008 Comments Off

Les jours gelés de janviers te paraissent indéfinis et étirés. Quand s’émoussera la lame de l’hiver, sous quelle chair. Tu as essayé la semaine dernière de vivre lentement mais que faire de ces jours repeints? Ce qui a été fait est encore pâle et absolument beau.

On nait d’un souffle dans la nuit secrète, on peut dire que l’on a été commis. Le crime est parfois différent et bien moins naturel. Ainsi, ce forfait là, originel à chaque fois, c’est le départ d’une série de doutes : Es-tu mon pendant biologique, m’as-tu désiré. Serais-je le même que toi, serais-je à la hauteur du génétique. L’essence d’un destin est-il dans ce mélange d’ADN au fond des draps. L’oreille se tend dans la nuit. J’entends ou crois entendre ce premier cri là, d’une intensité indéfinie. La nuit est minuscule, il y a un calme abyssal qui émeut juste après. Le silence est tel que l’on ne l’a jamais connu dans cette émotion. Le silence est nouveau né. Quelqu’un m’a demandé : pourquoi écrire? Pour écouter ce silence forfaitaire après le cri. C’est ça le son des naissances et des renaissances. Le silence après la douleur. L’expression d’une forme tacite de vie secrète.

En 1932, Oum Kalthoum vint chanter à Bagdad. Au même instant dans son lit de malaria et d’apatride sentimentale, Schwarzenbach écrivait Orients exils. A cette époque une jeune fille au visage de madone grecque chantait pour les Cheikhs. On dit que par jalousie, Oum Kalthoum organisa son assassinat. Elle se nommait Asmahan, fille d’un Prince Druze. Elle aurait pu être Yallé. Le seul chant qu’on retint d’elle fut Layali El Ounsi Fi Vienna, que l’on peut traduire par La mort à Vienne. L’amour puis la mort à Vienne, plus précisément.

Tu as longtemps considéré l’arabe comme une langue rude et acerbe, vestige barbare, tissu rêche. Tu clamais que ce n’était pas le genre de vêtement qui t’appartenait. Qu’une toge aux plis civilisés te revenait de droit, par une filiation florentine de mère, là où l’italien prend souche au plus pur latin. Cultiver une vie française t’as détaché d’un passé naturel, d’un dénuement de la nature que seuls les pays moins marqués par le paysagisme, peuvent encore posséder. De même que par la langue, tu n’as pu que développer une aversion presque occidentalocentrée pour ces femmes aux dents noires et aux visages tatoués. La mère aussi fut une de ces images à la sensibilité exacerbée et au pouvoir magique d’avoir pu s’adapter se couler dans cette culture des syllabes nasales et des glottes arrachées. La vision déformée des femmes vient de là, de ces rites ignorés, du non-dit de la société de l’islam, de cette force mystique de la mère caméléon, de sa force masquée par sa sensibilité. La vision déformée des femmes vient donc de l’inconnu, du caché et du mystérieux. Voilà peut-être ce que tu cherches derrière une hanche duveteuse et une pointe de sein.

Les Oliviers

1 février 2008 Comments Off

Pour guérir on peut devenir Saint Augustin, ou bien construire une maison de ces propres mains. Elle sera au fond de terre loin de la route centrale. Parfois des camions pétroliers roulent à toute vitesse et effraient les bergers. Ce sera l’antre minuscule du souvenir et de la transmission divine. En face, les montagnes, les plateaux qui cachent cette mer d’huile à des centaines de kilomètres. Ici, l’hiver gèle les cactus et la terre jaunie. Et le printemps verdoie d’un coup comme un corsage ouvert d’où jaillissent les jonquilles. Nous serons bien là bas. Il y aura un toit ouvert sur le ciel et le désert. S. disait qu’elle aurait voulu aimer quelqu’un ne serait-ce que pour penser à lui devant un tel assemblage divin. Elle demandait la nostalgie, j’en avais plein.

Tard dans la nuit je me souviens. Elle pleurait au petit matin, elle disait je t’aime, je t’aime, je t’aime et elle pleurait. Elle répétait encore. Je t’aime. Une fin de journée gelée de janvier elle me le murmurait à l’oreille, c’était la première fois. Je me souviens du rouge aux joues que j’ai imputé au froid et ce souffle si doux. Je t’aimais vraiment tu sais. Je sais, je sais, je sais. Je sais sans doute que je t’aime encore toujours comme tu m’as aimée.

Bientôt, nous sortirons du sommeil avec délicatesse, comme auparavant, je prendrais mon thé dans la cour intérieure et irait voir les chèvres. Nous irons cueillir des figues vertes dans le jardin, des pêches mures, et des poires minuscules, des amandes. Sur le terrain sont déjà plantés des oliviers, je me souviens d’un jour où nous avions grimpé une journée durant, enfants, pour aller s’asseoir contre leur tronc corseté. Le vieux grand-père a autorisé la construction et nous a légué cette terre, quoiqu’avec un peu d’avance, il est encore vivant. Sa silhouette de dos se rapproche de la mort. De dos seulement. Qui s’opposerait à un projet qui nous réuni à nouveau, comme jamais en vérité nous n’avons jamais été aussi proches. Revenir. Venir encore. Combien de nuits avons-nous passé sous les étoiles à dormir dans les tapis, à se quitter, se retrouver, reflets d’une sororité plus ou moins consanguine. Bientôt, on mangera du raisin sur le toit avec pour seule vue la nature, les ombres noires des chevaux et des ânes, les sillons creusés d’eau. Et ces dix mille soleils couchants, levants. Ces dix mille silences bénis où nous parlons à voix basse pour ne pas effrayer la nuit. Ce sera une maison en pierre cachée par des ficus biscornus, on l’appellera la Plaie. Au pas de la porte on laissera des lauriers roses, de la menthe fraiche et du genévrier. Derrière les persiennes qui osera nous sortir du monde, qui osera nous mettre à jour. Ote ce paravent, regarde. Assise dans la pénombre, la chambre est de bois et de lin blanc.

Lyon, qu’est-ce pour toi. Une terre de dons et de deuils, une terre d’amour fleuves dont les rives se quittent comme le bateau quittait Gènes dans le soleil d’août. Tu voulais profiter de la piscine d’eau salé sur le pont, tu ne savais pas que certains mourraient pour traverser cette frontière mouvante et floue, dangereusement plate, que l’on assimile au Léthé. Alors Lyon, pourquoi quitter. Les rues me sont si familières que les trottoirs inégaux caressent mes pieds. Il reste ce sentiment d’appartenance à un micro monde injustement dit de taille humaine _ en vérité seuls les étreintes et les bras de l’autre nous montrent tout à coup un espace de taille humaine. Tout le reste est immense, adulte, démesuré. Pourtant on s’en cache, on s’approprie des bouts d’espace, on les agrège on les défait. Jamais on ne va dire que ce n’est qu’une fois dans l’autre qu’on ne se sent plus ni trop petit, ni trop grand ni trop surfait. Jamais on ne va dire je me sens mal hors toi. Hors toi c’est quoi. Le bitume, le vide et le vent froid. Ca on ne se le dit pas.