Si brut si brutal

21 août 2009 Comments Off


Je n'avais pas prévu la mue si longue. Je ne pensais pas vouloir si vite quitter cette vie de faux adultes, d'adultère au bonheur. Et l'attente m'épuise: Je ne sais dans quel fond de corps me terrer ni où loge l'espoir. Peut être que je sous-estime ces fondations antiques, l'enfance, la génétique.

Elle était dans la cuisine chez ses parents, dans une ivresse de désespoir, le visage et le corps en sang, et j'avais sa peau sous les ongles. Et dans les dents, et des bleus sur les mains, j'avais les doigts tordus. Maintenant, dans un glissement subtil de quelques semaines, elle repeint le salon tristissime du trentenaire perdu qu'était l'ancien locataire. Elle repeint comme pour repeindre tous les mois précédents. Que vais-je rendre les clefs maudites de ce sous monde bleu marine, de cette chambre de ville centre, de cette vie à pleurer, de ces soirs à attendre. Dit moi que je rends les clefs d'une vie qui nous est étrangère désormais. Je ne sais comment je crois toujours en toi, ni par quel merveilleux miracle tout le bonheur se produit. Dit moi que c'est maintenant la vie nouvelle, je ne veux plus de brutal, je ne veux plus de sirènes le soir quand tu ne rentres pas, je ne veux plus d'ombre aux escaliers, plus de pieds nus dehors. Plus de bouteilles à oublier. Maintenant on attend que la pluie tombe, un chat sur les genoux. Elle est née au mois d'avril, quand tout commençait à partir. Maintenant nous repeignons, réaménageons, recollons, vernissons, on carrelle les plaies, on cire les cicatrices, dans notre appartement cassé et vieux, toujours permanent.

J'ai transvasé de terrarium en terrarium, de murs ardents et bouches sèches.
Hors de moi, hors d'elle aussi.
Manger dans ma bouche ouverte, celle du haut seulement, plusieurs milliers de formalités, des administrations, des chèques, de comptes en banque, un mémoire à écrire. De rage un jour j'ai mangé du papier devant elle. Il y a tant d'inutiles blessures, d'inutiles moments avec la rage. Dehors comme dedans, le monde reste animal et nu, si brut. On le retrouve dans cette fatigue, cette sueur la moins suave, cette déception annuelle qu'est l'été sans le voyage, les vacances sans repos, l'année sans parachèvement.

Un ciel sans nuage:
Inexplicable tristesse
Subite monotonie

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