Premières neiges

24 mai 2011 Comments Off

Un regard sur un ciel étoilé. Villeurbanne dernier écueil, et quelques larmes sur le rebord de l'escalier, mélange sourd de derniers moments où je suis déjà partie, sans savoir où vraiment. Un fil pend à ma bouche, mes yeux, mes cheveux : je me rends compte que je suis tissée de quelqu'un d'autre. Je n'ai pas été libre et sans attaches suffisamment longtemps hormis cette expulsion soudaine d'un embryon de moi-même en une fin d'automne. 

Mes petits bras pendaient dans les escaliers gris, ma tête roulait contre un tapis, au bord d'un seuil contre la porte en bois. Naissance abrupte dans le noir. C'était un moment où l'on ne m'ouvrait pas, moi aussi je m'étais fermée. Les vers restaient à l'intérieur, me pourrissaient de jour en jour, je me dévisageais dans cette salle d'eau minuscule et sale, oh je l'avais récurée de bas en haut, frottant pour effacer toute trace de bataille, je l'avais nettoyée comme jamais cette petite pièce de morsure quotidienne. L'odeur de la javel et de la soude je l'ai encore à l'estomac quand je vomis je pense encore à ça.

Je ne sais pas quand est-ce que j'ai perdu la faculté d'être seule. Quand j'avais dix-sept ans mon cœur était déambulatoire et rêveur, les autres étaient ces étrangers à connaitre et ce plaisir honteux qu'il fallait partager, à tout prix tout donner. Quand est-ce que tout ça à déserté? Je me souviens de R. si amoureux sur la plage, de mon corps flottant dans la mer, se sentant juste abandonné, insensible au désir et à son insubmersible envie de me protéger de ceux qui me voulaient du mal. Parfois je cherche en arrière ce moment où le fil s'est noué où il n'a plus été possible de revenir en arrière. Est-ce que c'est quand j'ai enlacé ce tramway nommé mourir à toute allure de la Place Carnot aux pentes, est-ce que c'est quand cet inconnu touchait mes sous vêtements tous neufs dans une voiture en face de la Manufacture. Quand est-ce que la confiance a déserté? Je me sentais invincible à un moment, personne ne pouvait m'attaquer. Est-ce que c'est quand j'attendais, au café La Gargouille entre deux plantes vertes, moi en fleur inutile. Un jour j'ai attendu dans la neige, des heures, j'ai fait du vélo pieds nus dans l'hiver glacé, j'ai bravé tous les autres, j'ai attendu plusieurs nuits dans des cages d'escaliers, j'ai même prié. A force d'attendre quelque part, je me suis fanée.

A un moment, j'ai refleuris ailleurs, surement mille fois plus mais sans maturité. J'aime comme on aime enfant, de là à tout donner, de manière exclusive, et inconsidérée. Hormis l'amour, rien ne parait valoir la peine d'être protégé.

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